Dictionnaire Célestin Port/1878 - Tome 3 - Page 239

De Wiki-Anjou
La version imprimable n’est plus prise en charge et peut comporter des erreurs de génération. Veuillez mettre à jour les signets de votre navigateur et utiliser à la place la fonction d’impression par défaut de celui-ci.
Langue et littérature angevine
Document   Dictionnaire historique géographique et biographique de Maine-et-Loire
Auteur   Célestin Port (1828-1901)
Année d'édition   1878
Éditeur   Lachèse & Dolbeau, Libraires (Angers)
Note(s)   Tome troisième, page 239


Dictionnaire Célestin Port de 1878, page 239.

REN — 239 — REN

La reprise de la guerre anglaise rappela René auprès du roi. Il le rejoignit à Louviers et fit à ses côtés la glorieuse campagne de Normandie, en empruntant sur gages 500 écus an Chapitre de Saint-Maurice. — Il séjourna quelques mois en Anjou et avait regagné la Provence, quand il fut rappelé en hâte à Angers, où la reine Isabelle, transportée du manoir de Launay, mourait le 28 février 1453. On connaît assez l’éclat et la vivacité de sa douleur bruyante. Il avait eu d’elle tout au moins quatre enfants, — sinon neuf, comme quelques auteurs le prétendent, — Jean et Louis, Yolande et Marguerite. Dés le second mois de son veuvage, René remit à son fils aîné Jean les droits de sa mère et les siens propres sur le duché de Lorraine et en 1456, par la nomination de son gendre Ferry au gouvernement du duché de Bar, il allait enfin se détacher de tout souci de ces possessions lointaines, dès lors étrangères à son cœur. Une chance tout au même temps le venait tenter de ressaisir la fortune en Italie. Florence et Milan appelaient le roi de France contre Venise et son rival d’Aragon (1er février 1452) et René, chargé par le roi de la conduite de la guerre, avait eu soin, par traité, de garantir ses propres intérêts (11 avril 1453). — Le 4 mai quittant de nouveau Angers, il abordait le 1er août à Vintimille, mais, arrêté en plein succès par l’hiver et bientôt enveloppé d’intrigues, il était réduit à revenir le 3 janvier suivant, le cœur, dit-on, plein de dégoût, mais peut-être aussi préoccupé d’un nouveau souci d’amour entrevu.

Il s’arrêta pourtant six mois en Provence et ne fit la rentrée à Angers que le 20 août 1444. Treize jours après, ses délégués traitaient en son nom avec le comte de Laval du mariage de sa fille Jeanne qui allait remplacer à jamais le souvenir si solennisé d’Isabelle. La cérémonie fut célébrée le 10 septembre en l’église St-Nicolas d’Angers, — et dès lors comme une nouvelle vie commence avec une épouse de cœur simple et tendre, où la politique d’aventure et les grandes guerres cèdent la place aux fêtes intimes, aux divertissements champêtres, aux calculs joyeux d’aménagement des manoirs angevins de Chanzé, la Rive, Launay, les Pâtis, Reculée, Rivettes, les Ponts-de-Cé, Epluchard. — En 1457 seulement les deux époux partirent pour la Provence. — En 1461 René, chargé par le roi de réprimer une révolte de Gênes, n’arriva juste à temps sous les remparts que pour assister du haut de ses vaisseaux au massacre de la garnison et repartir sans lui pouvoir porter secours (17 juillet), mais non sans y avoir compromis dans la mémoire populaire son renom de chevalerie.

A cinq jours de là (22 juillet) ses relations en cour étaient bouleversées par la mort de Charles VII. Presque au même temps (1-2 septembre 1461), la misère de son duché d’Anjou y soulevait cette insurrection de la Tricoterie, V. t. I, p. 38, qui fut vengée par tant de supplices. Le nouveau roi, qui assurrait par tant de rigueurs implacables l’autorité de ses officiers, préparait autrement ses visées futures en unissant, par contrat du 27 novembre suivant, sa fille Anne, encore au berceau, avec le petit-fils

de René, Nicolas, à peine âgé de treize ans, élevé à Angers, fils de Jean de Calabre, dont les dernières espérances allaient bientôt périr en Italie. De son côté René, dès les premiers mouvements de la Ligue du Bien public et quoique son autre fils Louis eût pris parti parmi les meneurs, s’était tout d’abord déclaré pour le roi et employé comme négociateur, V. la Roche-de-Serrant. Plus tard, pourtant, et sans qu’on puisse rien expliquer, sa conduite, au moment où l’action s’engage, témoigne d’une certaine hésitation. — Les esprits étaient à peine remis, qu’une députation vient lui offrir le trône d’Aragon. Il l’accepte (octobre 1466) et charge de la lieutenance générale et de l’occupation du pays son fils le duc Jean, qui s’y installait heureusement quand sa mort subite (16 décembre 1470) ruina l’entreprise. René, resté en Anjou, avait fait face pour son compte aux Bretons, pendant que le roi soutenait la lutte contre le duc de Bourgogne (1468). En juin 1470 il reçut la visite de Louis XI lui-même à Angers, et un peu plus tard fut honoré du collier de l’ordre de St-Michel ; mais ces faveurs commençaient à cacher des projets perfides ; — et c’est vers ce temps même, sans plus attendre, que, soit lassitude, soit sentiment des intrigues secrètes qui l’enveloppaient, soit nécessité de veiller de plus près à ses intérêts d’Italie et d’Aragon, ou tout simplement sa santé compromise et les sollicitations de la reine, qui s’habituait mieux à la douce vie de la Provence, René prit le parti de quitter à jamais Angers. Il fit dresser l’inventaire de ses divers domaines, rédigea à nouveau son testament (14 juillet 1471) dicté depuis 18 ans, et emmenant avec lui ses officiers, ses tapisseries, ses livres, tout son mobilier choisi, il partit en octobre 1471 de Baugé, pour arriver en novembre à Tarascon. Il ne devait plus revoir l’Anjou.

La nouvelle vint bientôt le chercher dans sa retraite de la mort de son dernier fils Nicolas (27 juillet 1473). Il restait dès lors sans autre descendance directe que ses deux filles, Marguerite et Yolande, dont la dernière seule avait un fils. Par un nouveau testament du 22 juillet 1474, il légua à son petit-fils René II le duché de Bar, à son neveu Charles le comté de Provence et le duché d’Anjou. Mais Louis XI surveillait de près l’héritage. Ses largesses savaient où s’adresser et petit à petit, surtout depuis le départ du prince, préparaient facilement les visées de sa politique. Dès le dernier testament connu, il fit saisir les deux duchés, occupa le château d’Angers, octroya à la ville une charte de mairie, on sait à la suite de quelles menées, V. t. I, p. 39 ; et comme le bruit se répandit que René, pour se venger, songeait à donner sa Provence au duc Charles de Bourgogne, le roi par lettres du 6 mars 1476 réclama au Parlement sa mise en accusation, qu’un arrêt prononça le 6 avril. En même temps pourtant il faisait solliciter une entrevue avec son oncle. Elle eut lieu à Lyon le 4 mai et réconcilia les deux princes. La saisie de l’Anjou fut levée et ses revenus rendus à René (25 mai), qui de son côté


< précédentePage 239suivante >


Avertissement : Cette reproduction en format texte peut contenir des erreurs qu'il convient de corriger.