La Haie-Longue 1 Km par R. G. Cadou
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Toi dont la jambe traîne un peu comme une brume
D’été et comme si la douleur te tirait
Lentement vers la terre ô compagnon que j’ai
Choisi pour les yeux, enfin voici que s’allume
Toute ma vie et que je vois l’éternité
Pareille à ce pays mouvant où tu t’enfonces
Avec ta jambe un peu trop lasse dans l’été
Sous les sourcils trop bleus de la nuit qui se froncent
Ils marchent près de nous les amis de haut bord,
Grands couturiers de la saison, veneurs des villes
Eteintes, des couchants désolés, vers le port
Au pavillon de clair soleil inaccessible
Entre nous deux celle que j’aime et que tu prends
Pour un pommier sauvage, et toujours aussi belle
La poésie comme une graine dans le vent
Qui s’ouvre et se referme aux battements des ailes
Des maisons sont couchées sur des enfances basses
Pleines de géraniums et de bouquets chanteurs
Au creux de la vallée ce sont les trains qui passent
Et le convoi des solitudes sans chaleur
Mais près d’ici la bonne auberge, la tonnelle
Où volètent les mains fluviales les prénoms
Aimés ; et sur la table ronde qui chancelle
un verre vide avec des larmes dans le fond.
Extrait de l'ouvrage Hélène ou le Règne végétal de René Guy Cadou, éd. P. Seghers (Paris), 1952 (BnF), réédité en 2023 (ISBN 978-2-232-14703-6).
René Guy Cadou (1920-1951), né et mort en Loire-Atlantique. Poète, il participe dans les années 1940 aux Cahiers de Rochefort et à l'École de Rochefort avec ses amis Jean Bouhier, Jean Rousselot et Sylvain Chiffoleau, en réaction à la « poésie nationale » prônée par le Gouvernement de Vichy. Pour lui rendre hommage, l'école maternelle et élémentaire de Saint-Aubin-de-Luigné a pris son nom.
La Haie-Longue, hameau à Saint-Aubin surplombant la vallée de la Loire.
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