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« Avrillé - Parc de la Haye Val d'Or Pépinières » : différence entre les versions

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'''La cité "des Baraquements" du parc de la Haye de 1944 à 1950'''
'''La cité "des Baraquements" du parc de la Haye de 1944 à 1950'''
Le bombardement du 17 juin 1944 avait dangereusement ébranlé et rendu inhabitable le petit chalet de bois que nous habitions ma mère, mon frère de six ans mon cadet et moi - notre papa étant mort pour la France à Givet le 19 mai 1940<ref>Givet : Commune du département des Ardennes (région Champagne-Ardenne) où se déroulèrent des combats en mai 1940 entre l'armée française et la 32<sup>e</sup> division d'infanterie allemande.</ref> - rue des Chênes au [[Avrillé - Bois du Roy|Bois du Roy]] d’Avrillé, en face de la rue des Fleurs. C’était l’un de la douzaine de ces petits chalets construits dans les années 1920 dans le Bois du Roi, ainsi que dans le quartier de la Caserne.
Le bombardement du 17 juin 1944 avait dangereusement ébranlé et rendu inhabitable le petit chalet de bois que nous habitions ma mère, mon frère de six ans mon cadet et moi - notre papa étant mort pour la France à Givet le 19 mai 1940<ref group="N">Givet : Commune du département des Ardennes (région Champagne-Ardenne) où se déroulèrent des combats en mai 1940 entre l'armée française et la 32<sup>e</sup> division d'infanterie allemande.</ref> - rue des Chênes au [[Avrillé - Bois du Roy|Bois du Roy]] d’Avrillé, en face de la rue des Fleurs. C’était l’un de la douzaine de ces petits chalets construits dans les années 1920 dans le Bois du Roi, ainsi que dans le quartier de la Caserne.
   
   
Après avoir été hébergés momentanément dans une ancienne ferme à [[Brain-sur-Longuenée]], nous revînmes vers Avrillé après la Libération<ref>Libération : Période suivant l'occupation allemande de la France métropolitaine à la fin de la Seconde Guerre mondiale.</ref>, pour être relogés au Parc de la Haye dans des baraquements<ref>Baraquements : Ensemble de constructions légères destinées à servir de logement provisoire.</ref> en bois ayant été occupés par l’armée d’occupation<ref name="occupation">Armée d'occupation, troupes d'occupation : Désigne les troupes allemandes occupant le territoire français durant la Seconde Guerre mondiale.</ref>.
Après avoir été hébergés momentanément dans une ancienne ferme à [[Brain-sur-Longuenée]], nous revînmes vers Avrillé après la Libération<ref group="N">Libération : Période suivant l'occupation allemande de la France métropolitaine à la fin de la Seconde Guerre mondiale.</ref>, pour être relogés au Parc de la Haye dans des baraquements<ref>Baraquements : Ensemble de constructions légères destinées à servir de logement provisoire.</ref> en bois ayant été occupés par l’armée d’occupation<ref group="N" name="occupation">Armée d'occupation, troupes d'occupation : Désigne les troupes allemandes occupant le territoire français durant la Seconde Guerre mondiale.</ref>.


Ces baraquements avaient abrité des hommes et des femmes des troupes d'occupation<ref name="occupation" /> chargés d’un poste d'émissions radio relié aux installations de Pignerolles à [[Saint-Barthélemy-d'Anjou]]. Ils étaient pour certains accolés à des bâtiments « en dur » dont l’un était équipé de sanitaires, douches et lavoir.  
Ces baraquements avaient abrité des hommes et des femmes des troupes d'occupation<ref group="N" name="occupation" /> chargés d’un poste d'émissions radio relié aux installations de Pignerolles à [[Saint-Barthélemy-d'Anjou]]. Ils étaient pour certains accolés à des bâtiments « en dur » dont l’un était équipé de sanitaires, douches et lavoir.  


Les autorités municipales d’Angers et d’Avrillé avaient transformé en appartements « sociaux » d'urgence ces locaux ayant servi à d’autres usages. Puis il y en eut d’autres de construits ensuite sur le même modèle, mais seulement en bois.
Les autorités municipales d’Angers et d’Avrillé avaient transformé en appartements « sociaux » d'urgence ces locaux ayant servi à d’autres usages. Puis il y en eut d’autres de construits ensuite sur le même modèle, mais seulement en bois.
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Je resterai là de longues semaines et regagnerai le parc de la Haie au début de l’année 1945, claudiquant et un peu handicapé.
Je resterai là de longues semaines et regagnerai le parc de la Haie au début de l’année 1945, claudiquant et un peu handicapé.


Quand au malheureux Jeannot qui avait fait exploser le misérable engin, il avait été beaucoup plus gravement touché et quasiment laissé pour mort, m’a t-on raconté plus tard. Il avait totalement perdu un œil. Il dut subir une importante trépanation<ref>Trépanation : En chirurgie, action de trépaner, perçage des os et spécialement ceux du crâne.</ref>. Il put malgré ses blessures, plus tard devenu grand, débuter une belle carrière « d’homme de cheval », comme son papa.
Quand au malheureux Jeannot qui avait fait exploser le misérable engin, il avait été beaucoup plus gravement touché et quasiment laissé pour mort, m’a t-on raconté plus tard. Il avait totalement perdu un œil. Il dut subir une importante trépanation<ref group="N">Trépanation : En chirurgie, action de trépaner, perçage des os et spécialement ceux du crâne.</ref>. Il put malgré ses blessures, plus tard devenu grand, débuter une belle carrière « d’homme de cheval », comme son papa.


Les trois autres n’étaient que légèrement touchés et ne furent pas hospitalisés.
Les trois autres n’étaient que légèrement touchés et ne furent pas hospitalisés.
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Nous reprirent possession de notre vaste royaume de jeux et nos découvertes de nouvelles munitions furent encore fréquentes malgré les interventions soit disant effectuées par des « services spécialisés » dans ce genre de recherche.   
Nous reprirent possession de notre vaste royaume de jeux et nos découvertes de nouvelles munitions furent encore fréquentes malgré les interventions soit disant effectuées par des « services spécialisés » dans ce genre de recherche.   


Plusieurs fois nous avons localisé d’autres grenades à fusil du genre de celle qui avait causé l’affreux drame. À chaque fois nos parents avertissaient Monsieur Cavigneau, et celui-ci faisait intervenir rapidement les spécialistes. Je ne me souviens plus quelles étaient les attributions exacte de ce monsieur Cavigneau mais il était, je crois, un peu le garde champêtre<ref>Garde champêtre : Police communale chargée de la surveillance du territoire de la commune.</ref> attitré de notre quartier et son autorité était très respectée. Je crois bien que les enfants de la guerre, jouant à la guerre avec de vraie munitions que nous étions lui ont donné quelque fil à retorde.  
Plusieurs fois nous avons localisé d’autres grenades à fusil du genre de celle qui avait causé l’affreux drame. À chaque fois nos parents avertissaient Monsieur Cavigneau, et celui-ci faisait intervenir rapidement les spécialistes. Je ne me souviens plus quelles étaient les attributions exacte de ce monsieur Cavigneau mais il était, je crois, un peu le garde champêtre<ref group="N">Garde champêtre : Police communale chargée de la surveillance du territoire de la commune.</ref> attitré de notre quartier et son autorité était très respectée. Je crois bien que les enfants de la guerre, jouant à la guerre avec de vraie munitions que nous étions lui ont donné quelque fil à retorde.  


Monsieur Cavigneau, qui était voilà peu de temps encore un grand chef d'un réseau de résistance, ouvrira sur la route de la Meignane, juste avant l’entrée de la rue du Commandant-Ménard, une petite épicerie qui ne désemplira pas, éclairée du sourire de sa charmante épouse.
Monsieur Cavigneau, qui était voilà peu de temps encore un grand chef d'un réseau de résistance, ouvrira sur la route de la Meignane, juste avant l’entrée de la rue du Commandant-Ménard, une petite épicerie qui ne désemplira pas, éclairée du sourire de sa charmante épouse.
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Pour nous, les 12–15 ans, les munitions dont nous raffolions le plus étaient les balles de fusil, car il nous était facile d’en vider le contenu après les avoir desserties en coinçant le bout pointu et faisant une pression latérale sur le corps. Nous en avons ainsi vidé des centaines et récupéré la poudre pour l’enflammer de diverses manières…
Pour nous, les 12–15 ans, les munitions dont nous raffolions le plus étaient les balles de fusil, car il nous était facile d’en vider le contenu après les avoir desserties en coinçant le bout pointu et faisant une pression latérale sur le corps. Nous en avons ainsi vidé des centaines et récupéré la poudre pour l’enflammer de diverses manières…


Une anecdote à ce sujet : Dans le courant de l’été 1945, après avoir charroyé<ref>Charroyer : Transporter par chariot ou charrette.</ref> à l’aide d’une antédiluvienne<ref>Antédiluvien : Terme pour désigner quelque chose de très ancien (qui a existé avant le déluge).</ref> brouette en bois, ou peut-être le châssis d'un ancien landau, je ne sais plus, (et en évitant de rencontrer quelqu’un) plusieurs bandes de balles de fusil mitrailleur découvertes dans le bas du Boulevard Hildegarde, je crois, nous avons décidé d’organiser un feu d’artifice près du « château », sous le petit hangar.  
Une anecdote à ce sujet : Dans le courant de l’été 1945, après avoir charroyé<ref group="N">Charroyer : Transporter par chariot ou charrette.</ref> à l’aide d’une antédiluvienne<ref group="N">Antédiluvien : Terme pour désigner quelque chose de très ancien (qui a existé avant le déluge).</ref> brouette en bois, ou peut-être le châssis d'un ancien landau, je ne sais plus, (et en évitant de rencontrer quelqu’un) plusieurs bandes de balles de fusil mitrailleur découvertes dans le bas du Boulevard Hildegarde, je crois, nous avons décidé d’organiser un feu d’artifice près du « château », sous le petit hangar.  


Je dois préciser ici que dans notre équipe nous avions un « meneur » un peu plus vieux. J'avais 12 ans.
Je dois préciser ici que dans notre équipe nous avions un « meneur » un peu plus vieux. J'avais 12 ans.
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Mise en œuvre de l’événement : Un tas de (peut-être) 100 grammes de poudre un peu étalé en forme de galette sur le sol et, posé dessus une botte d’une vingtaine de balles de divers calibres solidement ficelées. La mise à feu à distance, environ dix mètres, devant être assurée par une coulée d’un liquide inflammable (espèce de goudron…?) que nous avions trouvé dans les dépendances du « château ».
Mise en œuvre de l’événement : Un tas de (peut-être) 100 grammes de poudre un peu étalé en forme de galette sur le sol et, posé dessus une botte d’une vingtaine de balles de divers calibres solidement ficelées. La mise à feu à distance, environ dix mètres, devant être assurée par une coulée d’un liquide inflammable (espèce de goudron…?) que nous avions trouvé dans les dépendances du « château ».


À l’endroit de la mise à feu, nous sommes (heureusement) dans les marches du sous sol du "château". Nous sommes environ huit à dix lascars, de 7 à 17 ans, dans les marches au moment où Pécoq gratte au mur son allumette soufrée Seita<ref>Seita: Nom (acronyme) d'une entreprise industrielle française, Société d'exploitation industrielle des tabacs et des allumettes, fabriquant du tabac et des allumettes.</ref>.
À l’endroit de la mise à feu, nous sommes (heureusement) dans les marches du sous sol du "château". Nous sommes environ huit à dix lascars, de 7 à 17 ans, dans les marches au moment où Pécoq gratte au mur son allumette soufrée Seita<ref group="N">Seita: Nom (acronyme) d'une entreprise industrielle française, Société d'exploitation industrielle des tabacs et des allumettes, fabriquant du tabac et des allumettes.</ref>.


Immédiatement, ça flambe mais les flammes avancent doucement vers le hangar, si doucement qu’un moment, on peut craindre l’échec. Il fait très chaud ce jour là et nous sommes en plein après-midi. Le feu « reprend » soudain et atteint la botte de balles et la poudre, et c’est la fulgurance !  
Immédiatement, ça flambe mais les flammes avancent doucement vers le hangar, si doucement qu’un moment, on peut craindre l’échec. Il fait très chaud ce jour là et nous sommes en plein après-midi. Le feu « reprend » soudain et atteint la botte de balles et la poudre, et c’est la fulgurance !  
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Une boule de feu de la taille d’une voiture… ça dure trois secondes et puis plus rien.  
Une boule de feu de la taille d’une voiture… ça dure trois secondes et puis plus rien.  


On s’apprête à sortir pour aller voir, quand c’est l’explosion des balles… ça part dans tous les sens, et surtout vers le haut où les tôles ondulées Eternit<ref>Eternit : Nom d'un procédé de fabrication de l'amiante-ciment, notamment utilisé dans les matériaux de construction.</ref> du toit semblent applaudir avec nous l’exploit.  
On s’apprête à sortir pour aller voir, quand c’est l’explosion des balles… ça part dans tous les sens, et surtout vers le haut où les tôles ondulées Eternit<ref group="N">Eternit : Nom d'un procédé de fabrication de l'amiante-ciment, notamment utilisé dans les matériaux de construction.</ref> du toit semblent applaudir avec nous l’exploit.  


Aujourd’hui je suis certain que notre espèce de botte d’asperges contenait aussi de redoutables balles explosives…  
Aujourd’hui je suis certain que notre espèce de botte d’asperges contenait aussi de redoutables balles explosives…  
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Nos Jane étaient multiples et déchiraient comme nous le fond de leur culotte Bateau aux branches et aux épines.
Nos Jane étaient multiples et déchiraient comme nous le fond de leur culotte Bateau aux branches et aux épines.


Que de batailles d'Indiens, de Sioux maquillés à la mûre<ref>Mûre : Fruit de la ronce, le mûrier, que l'on trouve dans les haies sauvages.<br /><small>Sans accent, mure, désigne l’eau de mer qui reste dans les salines après la cristallisation du sel, ou l’eau saturée de sel après qu’on lui a fait subir l’évaporation.</small></ref> écrasée dans une boite kaki trouvée là et ayant contenu le corned-beef de l'armée américaine.  
Que de batailles d'Indiens, de Sioux maquillés à la mûre<ref group="N">Mûre : Fruit de la ronce, le mûrier, que l'on trouve dans les haies sauvages.<br /><small>Sans accent, mure, désigne l’eau de mer qui reste dans les salines après la cristallisation du sel, ou l’eau saturée de sel après qu’on lui a fait subir l’évaporation.</small></ref> écrasée dans une boite kaki trouvée là et ayant contenu le corned-beef de l'armée américaine.  


Que d'arcs et de flèches empruntés aux forêts de noisetiers du lieu.
Que d'arcs et de flèches empruntés aux forêts de noisetiers du lieu.
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Nous les gamins (et aussi un peu les adultes) nous amusions beaucoup du spectacle de retour au bercail de certains hommes les fins de semaine. A bicyclette puis sur les premières mobylettes. Il fallait les voir négocier le trajets du retour parmi les nombreux arbres conservés autour de nos baraques pour atteindre, les jours de chance, sans trop d'encombre leur domicile. Les jours de moins de chance c’était la « gamelle » superbe, tête première dans le roncier et l’arrivée de l’épouse venant au secours de son mari, en invoquant  Dieu… Dans quel état tu t’es mis encore ?
Nous les gamins (et aussi un peu les adultes) nous amusions beaucoup du spectacle de retour au bercail de certains hommes les fins de semaine. A bicyclette puis sur les premières mobylettes. Il fallait les voir négocier le trajets du retour parmi les nombreux arbres conservés autour de nos baraques pour atteindre, les jours de chance, sans trop d'encombre leur domicile. Les jours de moins de chance c’était la « gamelle » superbe, tête première dans le roncier et l’arrivée de l’épouse venant au secours de son mari, en invoquant  Dieu… Dans quel état tu t’es mis encore ?


Il  n’y a jamais eu de drames de sang aux baraquements ni même de brutalités. Il y avait hélas, beaucoup d’alcoolisme dans ce milieu de travailleurs, maçons, terrassiers, tâcherons, journaliers de fermes, de manœuvres de Montreuil, de Bessonneau<ref>Établissements Bessonneau : Ensemble des usines de la Société anonyme des filatures, corderies et tissages d'Angers, créée en 1901 et qui ferma définitivement ses portes en 1974.</ref>, des Fours Martin de Montrejeau, d’anciens de « la guerre 14 » etc. Il y avait également des grands malades, des infirmes et quelques vieillards. C’était un peu la cour des miracles aux baraquements mais on était bien…
Il  n’y a jamais eu de drames de sang aux baraquements ni même de brutalités. Il y avait hélas, beaucoup d’alcoolisme dans ce milieu de travailleurs, maçons, terrassiers, tâcherons, journaliers de fermes, de manœuvres de Montreuil, de Bessonneau<ref group="N">Établissements Bessonneau : Ensemble des usines de la Société anonyme des filatures, corderies et tissages d'Angers, créée en 1901 et qui ferma définitivement ses portes en 1974.</ref>, des Fours Martin de Montrejeau, d’anciens de « la guerre 14 » etc. Il y avait également des grands malades, des infirmes et quelques vieillards. C’était un peu la cour des miracles aux baraquements mais on était bien…


L’Amour, l’Amitié et un peu le vin rouge veillaient sur notre cité, c’est sûr !
L’Amour, l’Amitié et un peu le vin rouge veillaient sur notre cité, c’est sûr !
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'''Notre baraque'''
'''Notre baraque'''


La « baraque » que nous habitions avec ma mère était presque un palace pour l’époque… Elle avait été construite à la hâte après les hostilités par le ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (MRU)<ref>MRU : Ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme, créé en France fin 1944.</ref> sur le même modèle que celles déjà construite à côté précédemment, par l’occupant. Certaines de ces six ou sept baraques comprenaient quatre à cinq logements contigus. La notre, deux seulement.
La « baraque » que nous habitions avec ma mère était presque un palace pour l’époque… Elle avait été construite à la hâte après les hostilités par le ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (MRU)<ref group="N">MRU : Ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme, créé en France fin 1944.</ref> sur le même modèle que celles déjà construite à côté précédemment, par l’occupant. Certaines de ces six ou sept baraques comprenaient quatre à cinq logements contigus. La notre, deux seulement.


Totalement construite en bois et recouverte de planches de pin selon la formule du bardage à chevauchement horizontal, les « murs » de 20 centimètres d’épaisseur environ contenaient des feuilles isolantes d’aluminium que l’on entendait froisser les jours de vent d’hiver. Ce n’était pas du tout étanche il faut dire… Et nous y avons eu souvent très froid.  
Totalement construite en bois et recouverte de planches de pin selon la formule du bardage à chevauchement horizontal, les « murs » de 20 centimètres d’épaisseur environ contenaient des feuilles isolantes d’aluminium que l’on entendait froisser les jours de vent d’hiver. Ce n’était pas du tout étanche il faut dire… Et nous y avons eu souvent très froid.  
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Dans la cuisine-salle commune, nous avions un évier carré en ciment muni d’un unique robinet où nous venions chacun à son tour faire notre toilette. Pas encore de chauffe-eau bien sûr, le fourneau à « Butagaz » arriverait bientôt dans tous les foyers.  
Dans la cuisine-salle commune, nous avions un évier carré en ciment muni d’un unique robinet où nous venions chacun à son tour faire notre toilette. Pas encore de chauffe-eau bien sûr, le fourneau à « Butagaz » arriverait bientôt dans tous les foyers.  


Il fallait réchauffer de l’eau dans une casserole rapiécée sur la bonne vieille cuisinière Rosières<ref>Rosières : Fabricant français d’appareils électroménagers.</ref> bleue sauvée du bombardement et alimentée avec le célèbre « Boulet Barré aux Deux Extrémités » que nous livrait le père Rabergeau avec son plateau à pneus… et à cheval.  
Il fallait réchauffer de l’eau dans une casserole rapiécée sur la bonne vieille cuisinière Rosières<ref group="N">Rosières : Fabricant français d’appareils électroménagers.</ref> bleue sauvée du bombardement et alimentée avec le célèbre « Boulet Barré aux Deux Extrémités » que nous livrait le père Rabergeau avec son plateau à pneus… et à cheval.  


Des toilettes équipées d’une chasse d’eau en fonte qui faisait le bruit monstrueux d’une énorme régurgitation, quand on tirait la chaine…  
Des toilettes équipées d’une chasse d’eau en fonte qui faisait le bruit monstrueux d’une énorme régurgitation, quand on tirait la chaine…  
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Finie, "la cabane au fond du jardin" de la rue des Chênes…
Finie, "la cabane au fond du jardin" de la rue des Chênes…


Mais, je l’ai dit par ailleurs, nous étions bien… Nous mangions à notre faim malgré les « tickets » qui rationneraient<ref>Ticket de rationnement : Système de rationnement mis en place en mars 1940, et prolongé pour certains produits, comme le pain, jusqu'en 1949.</ref> pour quelque temps encore l’approvisionnement de quelques denrées  alimentaires.
Mais, je l’ai dit par ailleurs, nous étions bien… Nous mangions à notre faim malgré les « tickets » qui rationneraient<ref group="N">Ticket de rationnement : Système de rationnement mis en place en mars 1940, et prolongé pour certains produits, comme le pain, jusqu'en 1949.</ref> pour quelque temps encore l’approvisionnement de quelques denrées  alimentaires.


Le confort moderne ici vous dis-je, l’eau courante, l’électricité, chacun sa chambre, bien supérieur à celui de notre maison précédente, à la différence cependant que là bas il fallait « tirer de l’eau » au puits avec la « seille<ref>Seille : Seau avec une anse en métal dans lequel, en général, on passe une chaine pour tirer l'eau du puits. Voir aussi le mot [[seillau]].</ref> » pendue au bout d’une chaîne qui s’enroulait autour un rondin biscornu muni d’une manivelle et qui couinait à chaque tour. La chaîne cassait souvent et il fallait récupérer l’ensemble avec le grappin du voisin, Marcel Nolin, qui procédait à une réparation avec du fil de fer.
Le confort moderne ici vous dis-je, l’eau courante, l’électricité, chacun sa chambre, bien supérieur à celui de notre maison précédente, à la différence cependant que là bas il fallait « tirer de l’eau » au puits avec la « seille<ref group="N">Seille : Seau avec une anse en métal dans lequel, en général, on passe une chaine pour tirer l'eau du puits. Voir aussi le mot [[seillau]].</ref> » pendue au bout d’une chaîne qui s’enroulait autour un rondin biscornu muni d’une manivelle et qui couinait à chaque tour. La chaîne cassait souvent et il fallait récupérer l’ensemble avec le grappin du voisin, Marcel Nolin, qui procédait à une réparation avec du fil de fer.


Depuis que nous habitions « aux baraquements » mon frère et moi allions à l’école d’Angers dite du boulevard de Laval et devenue André Moine en 1946, le dit boulevard étant lui même, devenu le boulevard Clémenceau. Trois kilomètres à pied matin et soir tout au long de la rue de La Meignanne au son de nos galoches à semelle de bois protégées par des bandes de caoutchouc découpées dans des pneus d'auto que cloutait notre mère, le soir sur le "pied-de-fer" de feu notre papa qui avait été cordonnier. Maman avait elle aussi travaillé avec papa "dans la chaussure" chez Goirand, rue Vauvert à Angers.
Depuis que nous habitions « aux baraquements » mon frère et moi allions à l’école d’Angers dite du boulevard de Laval et devenue André Moine en 1946, le dit boulevard étant lui même, devenu le boulevard Clémenceau. Trois kilomètres à pied matin et soir tout au long de la rue de La Meignanne au son de nos galoches à semelle de bois protégées par des bandes de caoutchouc découpées dans des pneus d'auto que cloutait notre mère, le soir sur le "pied-de-fer" de feu notre papa qui avait été cordonnier. Maman avait elle aussi travaillé avec papa "dans la chaussure" chez Goirand, rue Vauvert à Angers.
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Emmitouflés dans nos « capuchons » de toile cirée nous trottinions ainsi par tous les temps au son du contenu de nos plumiers en bois.
Emmitouflés dans nos « capuchons » de toile cirée nous trottinions ainsi par tous les temps au son du contenu de nos plumiers en bois.


La charge de mes « devoirs » était bien moins importante que celle charroyée par les écoliers d’aujourd’hui et tenait facilement dans ma petite « musette » kaki US-Army à côté de mes tartines du repas de midi… Dans cette école, mon frère et moi avons été très studieux et nous avons reçu – selon l'expression consacrée - Not'Certificat<ref>Certificat d'étude : Appelé « certificat d'études » (ou familièrement « certif' »),  le Certificat d'études primaires élémentaires était un diplôme sanctionnant la fin de l'enseignement primaire en France.</ref> !
La charge de mes « devoirs » était bien moins importante que celle charroyée par les écoliers d’aujourd’hui et tenait facilement dans ma petite « musette » kaki US-Army à côté de mes tartines du repas de midi… Dans cette école, mon frère et moi avons été très studieux et nous avons reçu – selon l'expression consacrée - Not'Certificat<ref group="N">Certificat d'étude : Appelé « certificat d'études » (ou familièrement « certif' »),  le Certificat d'études primaires élémentaires était un diplôme sanctionnant la fin de l'enseignement primaire en France.</ref> !


Nous étions quatre ou cinq à faire ce trajet, et quelquefois nous l’agrémentions d’un jeu qui consistait à accompagner « à coup de pieds », et « à toi et à moi » et en pleine rue, une vieille – et rare encore - boite à conserves.  
Nous étions quatre ou cinq à faire ce trajet, et quelquefois nous l’agrémentions d’un jeu qui consistait à accompagner « à coup de pieds », et « à toi et à moi » et en pleine rue, une vieille – et rare encore - boite à conserves.  
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'''Quand je ferme les yeux'''
'''Quand je ferme les yeux'''


Quand je ferme mes vieux yeux, je revois quelque images de mon Parc de la Haye de ces années là. En remontant la rue de La Meignanne, après avoir laissé sur la gauche le petit chemin de Roc-Épine, je revois les lopins de terre que la municipalité nous avait attribués gratuitement, et que nos mères et pères avaient défrichés « à dos brisés » et ensemencés de ce qu’ils appelaient plaisamment et "librement" désormais des « kartoffels<ref>Kartoffel : Nom commun désignant une pomme de terre.</ref> » parodiant ainsi les troupes d’occupation qui avaient tant recherché ces tubercules.
Quand je ferme mes vieux yeux, je revois quelque images de mon Parc de la Haye de ces années là. En remontant la rue de La Meignanne, après avoir laissé sur la gauche le petit chemin de Roc-Épine, je revois les lopins de terre que la municipalité nous avait attribués gratuitement, et que nos mères et pères avaient défrichés « à dos brisés » et ensemencés de ce qu’ils appelaient plaisamment et "librement" désormais des « kartoffels<ref group="N">Kartoffel : Nom commun désignant une pomme de terre.</ref> » parodiant ainsi les troupes d’occupation qui avaient tant recherché ces tubercules.


Puis après, sur la droite peu avant le rond point de l'actuel Val d’or, Madame et Monsieur Cavigneau avaient, dans une dépendance, ouvert une épicerie où les gens des baraquements venaient acheter l’essentiel des courses.
Puis après, sur la droite peu avant le rond point de l'actuel Val d’or, Madame et Monsieur Cavigneau avaient, dans une dépendance, ouvert une épicerie où les gens des baraquements venaient acheter l’essentiel des courses.
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Plus loin, sur la droite, deux ou trois maisons  entourées d'arbres dont celle de la "Mère Lépicier" qui possédait une énorme cloche que nous allions agiter quelquefois, pour s'amuser un peu.
Plus loin, sur la droite, deux ou trois maisons  entourées d'arbres dont celle de la "Mère Lépicier" qui possédait une énorme cloche que nous allions agiter quelquefois, pour s'amuser un peu.


Puis, faisant l'angle de la rue Anne-Marie Voillot la Villa Minerve, superbe maison jumelée de type Art déco<ref name="artdéco">Art déco : Mouvement artistique né dans les 1910, qui prit son son essor dans les années 1920, avant de décliner dans les années 1930.</ref>, occupée par deux familles.
Puis, faisant l'angle de la rue Anne-Marie Voillot la Villa Minerve, superbe maison jumelée de type Art déco<ref group="N" name="artdéco">Art déco : Mouvement artistique né dans les 1910, qui prit son son essor dans les années 1920, avant de décliner dans les années 1930.</ref>, occupée par deux familles.


Plus loin encore j'ai le souvenir de Jean Monclin l'entraineur que nous regardions travailler ses chevaux quelquefois.
Plus loin encore j'ai le souvenir de Jean Monclin l'entraineur que nous regardions travailler ses chevaux quelquefois.


Puis de la belle maison toute en couleurs également de style Art déco<ref name="artdéco" /> de la famille Le Noble qui portait le nom de "Mékaro".
Puis de la belle maison toute en couleurs également de style Art déco<ref group="N" name="artdéco" /> de la famille Le Noble qui portait le nom de "Mékaro".


En face, la rue Geoffroy Martel (était-t-elle déjà boulevard ?) et son célèbre restaurant Le Petit Clamart où plus tard ma maman à travaillé quelques années.
En face, la rue Geoffroy Martel (était-t-elle déjà boulevard ?) et son célèbre restaurant Le Petit Clamart où plus tard ma maman à travaillé quelques années.
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Annotations
Annotations
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