Avrillé - Parc de la Haye Val d'Or Pépinières

De Wiki-Anjou
Parc de la Haye
Val d'Or
Pépinières

(quartier)
Département Maine-et-Loire
Territoire Région d'Angers
Commune Avrillé
Aide à la rédaction.
Anciennes communes

Parc de la Haye - Val d'Or - Pépinières est un quartier de la ville d'Avrillé, commune située dans le département de Maine-et-Loire (49). On y trouve le Champ des Martyrs et le prieuré de la Haye aux Bonshommes, ainsi que le parc de la Haye, situé entre le parc des carrières et le bout de l'étang Saint-Nicolas.

La rivière le Brionneau traverse le territoire de la commune, avant d'alimenter l'étang Saint-Nicolas.


Témoignage

La cité "des Baraquements" du parc de la Haye de 1944 à 1950

Le bombardement du 17 juin 1944 avait dangereusement ébranlé et rendu inhabitable le petit chalet de bois que nous habitions ma mère, mon frère de six ans mon cadet et moi - notre papa étant mort pour la France à Givet le 19 mai 1940[N 1] - rue des Chênes au Bois du Roy d’Avrillé, en face de la rue des Fleurs. C’était l’un de la douzaine de ces petits chalets construits dans les années 1920 dans le Bois du Roi, ainsi que dans le quartier de la Caserne.

Après avoir été hébergés momentanément dans une ancienne ferme à Brain-sur-Longuenée, nous revînmes vers Avrillé après la Libération[N 2], pour être relogés au Parc de la Haye dans des baraquements[N 3] en bois ayant été occupés par l’armée d’occupation[N 4].

Ces baraquements avaient abrité des hommes et des femmes des troupes d'occupation[N 4] chargés d’un poste d'émissions radio relié aux installations de Pignerolles à Saint-Barthélemy-d'Anjou. Ils étaient pour certains accolés à des bâtiments « en dur » dont l’un était équipé de sanitaires, douches et lavoir.

Les autorités municipales d’Angers et d’Avrillé avaient transformé en appartements « sociaux » d'urgence ces locaux ayant servi à d’autres usages. Puis il y en eut d’autres de construits ensuite sur le même modèle, mais seulement en bois.

À notre arrivée, quelques uns de ces logements étaient encore ceinturés, à un mètre de distance, de murs d'argile rouge, et de paille mélangés d’un mètre d’épaisseur et de deux mètres de haut coiffés de plaques de ciment. Des chicanes en protégeaient les entrées, le tout conduisant à des tranchées encore béantes et destinées, je suppose, à fuir en cas d’attaque.

Les services de la ville déconstruisirent rapidement les « murailles de terre » et rebouchèrent les tranchées, donnant à ce village bizarre un aspect un peu plus accueillant.

Les baraquements étaient construits à proximité du magnifique bâtiment ayant appartenu à une riche famille angevine et devenu longtemps après la clinique Saint-Didier.

Ce très bel hôtel particulier de quatre étages et deux terrasses, que nous (les nouveaux voisins) appelions le « Château », avait abrité de hautes autorités militaires de l’occupant. Il était flanqué à sa droite d’un grand hangar à usage de garage sans doute. L'actuel bâtiment a été aujourd'hui agrandi de 1/3 par rapport à l'original.

À proximité de cet ensemble, les occupants avaient creusé et aménagé une sorte de piscine, réserve d’eau en cas d’incendie, peut-être ; Ainsi que deux tranchées de 10 mètres sur 6 environ, et de deux mètres de profondeur, remplies d’eau dans lesquelles tous les deux mètres trempaient des câbles de cuivre. Une installation en rapport avec la fonction de brouillage (ou d'émission ?) des ondes radio dont les occupants avaient la tâche.

Il y avait sans doute eu d’âpres combats sur le territoire de cette propriété et autour d’elle, car le « château » lui même portait de nombreux stigmates de la guerre récente. Fenêtres arrachées, impacts de forts calibres sur les murs, traces de flammes, etc.

Quel terrain de jeu magnifique que cet édifice grand-ouvert et libre d'accès, pour nous les gamins des nouveaux locataires qui en achevâmes la démolition de la cave à la terrasse.

Pendant le premiers mois de notre investigation du quartier, nous avons ramassé des quantités de munitions diverses abandonnées par les soldats des deux camps, un peu partout.

Une de ces munitions devait provoquer, un certain mercredi 29 novembre 1944 un très grave accident qui a failli coûter la vie à quatre ou cinq de ces gamins.


L'un d’eux, mon frère Michel raconte en 2011

Nous jouions, quelques gamins et moi, cinq au total, au beau milieu de cette sorte de « carré » de bâtiments, au bord de la « piscine ». L’un d’entre nous, Jeannot, qui lui n’habitait pas notre « cité » avait une drôle de chose à la main trouvée quelques instants avant dans les fourrés voisins. Nous étions assis tous les cinq sur le petit muret d’ardoise de la piscine.

Je vois encore son geste, à trois mètres de moi, le début seulement car ensuite…?

Il lève la chose au dessus de sa tête et l’abat entre ses jambes sur les pierres… Mon souvenir est une espèce de bruit indéfinissable, bref, aigu, comme au delà de la perception… L’intensité la déflagration me fait quasiment perdre connaissance et je retrouve mes sens à quelques mètres de là, traînant une jambe ensanglantée et multiples autres blessures de mon côté gauche ; notamment une profonde plaie à la tempe dont le sang m’inonde une partie du buste.

Je rampe tant bien que mal dans les feuilles mortes, cherchant le chemin de notre maison pourtant toute proche. Je n’ai pas le souvenir d’avoir eu mal. Ce doit être ainsi dans les guerres, on doit mourir étonnés…

Je ne sais plus qui ou comment quelqu’un me ramassât dans mon périple de moribond ensanglanté, mais on me rapportât chez ma mère qui, aidée d’une voisine, ont étanché mon sang avec des linges divers. Puis je perds un peu connaissance, je ne crie pas, j’ai enfin mal…

Une auto m’emporte à l’hôpital où l’on me couche sur une drôle de table, on m’emprisonne bouche et nez dans un masque malodorant et …

… Je me réveille le lendemain hurlant de douleur cette fois, couvert de pansements dans l’immense salle Saint-Nicolas parmi une trentaine d’autres gamins blessés, qui souffrent eux aussi plus que de raisonnable de divers accidents de leurs jeunes existences.

Des religieuses en cornettes[N 5] ressemblant à des oiseaux (des filles de Saint-Vincent-de-Paul), s'affairent d’un lit à l’autre…

Je resterai là de longues semaines et regagnerai le parc de la Haie au début de l’année 1945, claudiquant et un peu handicapé.

Quand au malheureux Jeannot qui avait fait exploser le misérable engin, il avait été beaucoup plus gravement touché et quasiment laissé pour mort, m’a t-on raconté plus tard. Il avait totalement perdu un œil. Il dut subir une importante trépanation[N 6]. Il put malgré ses blessures, plus tard devenu grand, débuter une belle carrière « d’homme de cheval », comme son papa.

Les trois autres n’étaient que légèrement touchés et ne furent pas hospitalisés.

De mémoire et après recherches effectuées par mes soins beaucoup plus tard, il s'agissait d'une grenade à fusil américaine de type anti-char AT M9. Nous les connaissions bien pour en avoir rapporté plusieurs à nos parents.

Puis notre joyeuse vie d’enfants libres reprit son cours et les recommandations des adultes furent bien vite oubliées.


Les munitions

Nous reprirent possession de notre vaste royaume de jeux et nos découvertes de nouvelles munitions furent encore fréquentes malgré les interventions soit disant effectuées par des « services spécialisés » dans ce genre de recherche.

Plusieurs fois nous avons localisé d’autres grenades à fusil du genre de celle qui avait causé l’affreux drame. À chaque fois nos parents avertissaient Monsieur Cavigneau, et celui-ci faisait intervenir rapidement les spécialistes. Je ne me souviens plus quelles étaient les attributions exacte de ce monsieur Cavigneau mais il était, je crois, un peu le garde champêtre[N 7] attitré de notre quartier et son autorité était très respectée. Je crois bien que les enfants de la guerre, jouant à la guerre avec de vraie munitions que nous étions lui ont donné quelque fil à retorde.

Monsieur Cavigneau, qui était voilà peu de temps encore un grand chef d'un réseau de résistance, ouvrira sur la route de la Meignane, juste avant l’entrée de la rue du Commandant-Ménard, une petite épicerie qui ne désemplira pas, éclairée du sourire de sa charmante épouse.

Pour nous, les 12–15 ans, les munitions dont nous raffolions le plus étaient les balles de fusil, car il nous était facile d’en vider le contenu après les avoir desserties en coinçant le bout pointu et faisant une pression latérale sur le corps. Nous en avons ainsi vidé des centaines et récupéré la poudre pour l’enflammer de diverses manières…

Une anecdote à ce sujet : Dans le courant de l’été 1945, après avoir charroyé[N 8] à l’aide d’une antédiluvienne[N 9] brouette en bois, ou peut-être le châssis d'un ancien landau, je ne sais plus, (et en évitant de rencontrer quelqu’un) plusieurs bandes de balles de fusil mitrailleur découvertes dans le bas du Boulevard Hildegarde, je crois, nous avons décidé d’organiser un feu d’artifice près du « château », sous le petit hangar.

Je dois préciser ici que dans notre équipe nous avions un « meneur » un peu plus vieux. J'avais 12 ans.

André était un garçon de 16 à 17 ans, que nous avions surnommé Pécoq qui, s’il était probablement illettré, était d’une rare intelligence et une source inépuisable d’idées folles.

Mise en œuvre de l’événement : Un tas de (peut-être) 100 grammes de poudre un peu étalé en forme de galette sur le sol et, posé dessus une botte d’une vingtaine de balles de divers calibres solidement ficelées. La mise à feu à distance, environ dix mètres, devant être assurée par une coulée d’un liquide inflammable (espèce de goudron…?) que nous avions trouvé dans les dépendances du « château ».

À l’endroit de la mise à feu, nous sommes (heureusement) dans les marches du sous sol du "château". Nous sommes environ huit à dix lascars, de 7 à 17 ans, dans les marches au moment où Pécoq gratte au mur son allumette soufrée Seita[N 10].

Immédiatement, ça flambe mais les flammes avancent doucement vers le hangar, si doucement qu’un moment, on peut craindre l’échec. Il fait très chaud ce jour là et nous sommes en plein après-midi. Le feu « reprend » soudain et atteint la botte de balles et la poudre, et c’est la fulgurance !

Une boule de feu de la taille d’une voiture… ça dure trois secondes et puis plus rien.

On s’apprête à sortir pour aller voir, quand c’est l’explosion des balles… ça part dans tous les sens, et surtout vers le haut où les tôles ondulées Eternit[N 11] du toit semblent applaudir avec nous l’exploit.

Aujourd’hui je suis certain que notre espèce de botte d’asperges contenait aussi de redoutables balles explosives…

Mais quand même mes amis, quelle superbe pétarade et quelle prise de risques aussi, quelle insouciance surtout.

Et voilà des adultes qui rappliquent en courant, et vociférant les noms d’oiseaux en usage dans notre collectivité, et non prononçables ici bien sûr.

Ça fume encore à l’endroit de l’exploit mais nous sommes déjà loin, les talons de nos chaussures nous claquant aux fesses…

Je ne suis pas sûr que certains d’entre nous n'aient eu droit à une bonne raclée, et si les gendarmes ne sont pas venus c’est surtout parce que « les gens des baraquements » ne souhaitaient pas trop leur présence ici.


Les baraquements

Notre domaine de jeux était immense et pourtant nous en connaissions chaque mètre carré.

C’était l’aventure permanente sous des genêts immenses et touffus où nous construisions de magnifiques cabanes ou bien dans les arbres où nous étions Tarzan, Jane et Cheeta, comme dans les films que Monsieur Bourgouin, des Tournées France Cinéma, venait projeter chaque mois dans une des salles de l'un des bâtiments "en dur" qui avait été aménagée en "salle des fêtes".

Nos Jane étaient multiples et déchiraient comme nous le fond de leur culotte Bateau aux branches et aux épines.

Que de batailles d'Indiens, de Sioux maquillés à la mûre[N 12] écrasée dans une boite kaki trouvée là et ayant contenu le corned-beef de l'armée américaine.

Que d'arcs et de flèches empruntés aux forêts de noisetiers du lieu.

Que de navigations hasardeuses sur l'étang Saint-Nicolas à l'aide de barques non cadenassées empruntées à des pêcheurs trop confiants.

Aux baraquements, les parents de nos enfances étaient pour la plupart sortis bien « cabossés » par de longues années de privation, d’insécurité, de peurs et de deuils. Ils pensaient surtout à revivre, seulement à vivre enfin.

Dès 1945, un petit comité des fêtes avait dû voir le jour, car j'ai le souvenir de belles journées de joie qui furent organisées dans la Salle. Quelques habitants du Parc de la Haye y participaient, notamment les demoiselles Le Noble qui étaient de remarquables animatrices. J'entends encore chanter la superbe voix de Margot Méaule, un amour de dame et un bout-en train extraordinaire…

Il y avait du travail quasiment pour tout le monde, les gens vivaient dans une sorte de bonheur retrouvé voire découvert pour certains d'entre-eux. Il n’y avait pas de misère chez les gens modestes, de ces familles qui finalement formaient une « grande famille » rassemblée là derrière les arbres, un peu cachée c'est vrai, en retrait et qui n’apparaissait pas trop aux « gens biens » depuis la route.

Ils étaient là comme des réfugiés ayant perdu leur logis détruit par la guerre ou récupérés par des propriétaires peu scrupuleux bien heureux de se séparer de gens de peu.

Ils venaient d'Avrillé, de la Doutre, du quartier Saint-Nicolas.

Il y avait une grande solidarité aux Baraquements. Chacun avait à cœur d’aider ou dépanner un voisin. Les quelques chamailleries de voisinage du samedi soir auxquelles j’ai pu assister se sont le plus souvent éteintes naturellement.

Nous les gamins (et aussi un peu les adultes) nous amusions beaucoup du spectacle de retour au bercail de certains hommes les fins de semaine. A bicyclette puis sur les premières mobylettes. Il fallait les voir négocier le trajets du retour parmi les nombreux arbres conservés autour de nos baraques pour atteindre, les jours de chance, sans trop d'encombre leur domicile. Les jours de moins de chance c’était la « gamelle » superbe, tête première dans le roncier et l’arrivée de l’épouse venant au secours de son mari, en invoquant Dieu… Dans quel état tu t’es mis encore ?

Il n’y a jamais eu de drames de sang aux baraquements ni même de brutalités. Il y avait hélas, beaucoup d’alcoolisme dans ce milieu de travailleurs, maçons, terrassiers, tâcherons, journaliers de fermes, de manœuvres de Montreuil, de Bessonneau[N 13], des Fours Martin de Montrejeau, d’anciens de « la guerre 14 » etc. Il y avait également des grands malades, des infirmes et quelques vieillards. C’était un peu la cour des miracles aux baraquements mais on était bien…

L’Amour, l’Amitié et un peu le vin rouge veillaient sur notre cité, c’est sûr !


Notre baraque

La « baraque » que nous habitions avec ma mère était presque un palace pour l’époque… Elle avait été construite à la hâte après les hostilités par le ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (MRU)[N 14] sur le même modèle que celles déjà construite à côté précédemment, par l’occupant. Certaines de ces six ou sept baraques comprenaient quatre à cinq logements contigus. La notre, deux seulement.

Totalement construite en bois et recouverte de planches de pin selon la formule du bardage à chevauchement horizontal, les « murs » de 20 centimètres d’épaisseur environ contenaient des feuilles isolantes d’aluminium que l’on entendait froisser les jours de vent d’hiver. Ce n’était pas du tout étanche il faut dire… Et nous y avons eu souvent très froid.

Le toit était couvert de papier goudronné retenu par des lattes sur lequel les glands des chênes faisaient un boucan d’enfer les jours de tempête. Il faut dire qu’il avait été conservé un maximum d’arbres autour des baraques, et que certains d’entre-eux étaient à moins d’un mètre de la maison, à tel point que chez nous, nous n’avons jamais pu ouvrir « en grand » le volet d’une chambre…

Quatre pièces avec un parquet partout constitué de planches disjointes dont il fallait de temps en temps renfoncer les clous et qui grinçaient à l’horreur. Il faut dire que la baraque craquait d’un peu partout selon le grand soleil ou les intempéries.

Des baraques en bois, des équipements de cuisine et chauffage pour la plupart très anciens ou vétustes, et pourtant, je n’ai pas le souvenir du moindre départ de feu.

Dans la cuisine-salle commune, nous avions un évier carré en ciment muni d’un unique robinet où nous venions chacun à son tour faire notre toilette. Pas encore de chauffe-eau bien sûr, le fourneau à « Butagaz » arriverait bientôt dans tous les foyers.

Il fallait réchauffer de l’eau dans une casserole rapiécée sur la bonne vieille cuisinière Rosières[N 15] bleue sauvée du bombardement et alimentée avec le célèbre « Boulet Barré aux Deux Extrémités » que nous livrait le père Rabergeau avec son plateau à pneus… et à cheval.

Des toilettes équipées d’une chasse d’eau en fonte qui faisait le bruit monstrueux d’une énorme régurgitation, quand on tirait la chaine…

Finie, "la cabane au fond du jardin" de la rue des Chênes…

Mais, je l’ai dit par ailleurs, nous étions bien… Nous mangions à notre faim malgré les « tickets » qui rationneraient[N 16] pour quelque temps encore l’approvisionnement de quelques denrées alimentaires.

Le confort moderne ici vous dis-je, l’eau courante, l’électricité, chacun sa chambre, bien supérieur à celui de notre maison précédente, à la différence cependant que là bas il fallait « tirer de l’eau » au puits avec la « seille[N 17] » pendue au bout d’une chaîne qui s’enroulait autour un rondin biscornu muni d’une manivelle et qui couinait à chaque tour. La chaîne cassait souvent et il fallait récupérer l’ensemble avec le grappin du voisin, Marcel Nolin, qui procédait à une réparation avec du fil de fer.

Depuis que nous habitions « aux baraquements » mon frère et moi allions à l’école d’Angers dite du boulevard de Laval et devenue André Moine en 1946, le dit boulevard étant lui même, devenu le boulevard Clémenceau. Trois kilomètres à pied matin et soir tout au long de la rue de La Meignanne au son de nos galoches à semelle de bois protégées par des bandes de caoutchouc découpées dans des pneus d'auto que cloutait notre mère, le soir sur le "pied-de-fer" de feu notre papa qui avait été cordonnier. Maman avait elle aussi travaillé avec papa "dans la chaussure" chez Goirand, rue Vauvert à Angers.

Emmitouflés dans nos « capuchons » de toile cirée nous trottinions ainsi par tous les temps au son du contenu de nos plumiers en bois.

La charge de mes « devoirs » était bien moins importante que celle charroyée par les écoliers d’aujourd’hui et tenait facilement dans ma petite « musette » kaki US-Army à côté de mes tartines du repas de midi… Dans cette école, mon frère et moi avons été très studieux et nous avons reçu – selon l'expression consacrée - Not'Certificat[N 18] !

Nous étions quatre ou cinq à faire ce trajet, et quelquefois nous l’agrémentions d’un jeu qui consistait à accompagner « à coup de pieds », et « à toi et à moi » et en pleine rue, une vieille – et rare encore - boite à conserves.

Au bout d'un kilomètre ou deux nous cachions l’inestimable objet afin de le récupérer le soir pour le trajet inverse…

…Ma mère avait heureusement protégé les bouts de mes galoches, avec des protections métalliques, genre de pare-choc, qui se vendaient à l’époque…

Notre mère habitera une quinzaine d'années aux "baraquements".


Quand je ferme les yeux

Quand je ferme mes vieux yeux, je revois quelque images de mon Parc de la Haye de ces années là. En remontant la rue de La Meignanne, après avoir laissé sur la gauche le petit chemin de Roc-Épine, je revois les lopins de terre que la municipalité nous avait attribués gratuitement, et que nos mères et pères avaient défrichés « à dos brisés » et ensemencés de ce qu’ils appelaient plaisamment et "librement" désormais des « kartoffels[N 19] » parodiant ainsi les troupes d’occupation qui avaient tant recherché ces tubercules.

Puis après, sur la droite peu avant le rond point de l'actuel Val d’or, Madame et Monsieur Cavigneau avaient, dans une dépendance, ouvert une épicerie où les gens des baraquements venaient acheter l’essentiel des courses.

Juste en face, la ferme Perreau dont l’entrée était ornée de deux énormes sapins dont l’un est encore vivant. Plus loin à droite (au 29) il y avait l’entreprise de transports Réveillère. La grande porte du garage est encore visible.

Puis, la Maison du Chapelain, qui ne semble pas avoir changé. Et le Café Restaurant Hôtel St Louis Boisneau où je suis revenu le premier mai 1957 célébrer en famille, mon mariage.

Juste en face du restaurant, l'entrée du Champ des Martyrs, dont les dévouées religieuses infirmières venaient aux baraquements "faire les piqures" et rendre beaucoup d'autres services de caractère "puériculturels" et mettre au service des jeunes mamans inexpérimentées des conseils faisant souvent défaut chez les jeunes mamans de la cité.

En entrant dans la rue du Commandant-Ménard, à l’angle de la rue des Châtaigniers, un petit bistrot dont la maison existe encore et qui accueille l'agence Prisma Immobilier.

Ce bistrot était exploité par une dame veuve, Madame Ferron. Une charmante petite bonne femme que j’allais quelquefois aider à pousser sa baladeuse pour aller chercher des tonnelets de vin et des bouteilles d’une boisson nouvelle qui portait le nom de "Raspail" du nom de la rue où nous allions charger notre cargaison. Les buveurs habitués de l'estaminet avaient baptisé cette boisson "le rince-paille" !

La rue Émile Savigner n'existait pas encore. Le digne notable sera encore maire d'Avrillé jusqu'en 1959…

Plus loin, sur la droite, deux ou trois maisons entourées d'arbres dont celle de la "Mère Lépicier" qui possédait une énorme cloche que nous allions agiter quelquefois, pour s'amuser un peu.

Puis, faisant l'angle de la rue Anne-Marie Voillot la Villa Minerve, superbe maison jumelée de type Art déco[N 20], occupée par deux familles.

Plus loin encore j'ai le souvenir de Jean Monclin l'entraineur que nous regardions travailler ses chevaux quelquefois.

Puis de la belle maison toute en couleurs également de style Art déco[N 20] de la famille Le Noble qui portait le nom de "Mékaro".

En face, la rue Geoffroy Martel (était-t-elle déjà boulevard ?) et son célèbre restaurant Le Petit Clamart où plus tard ma maman à travaillé quelques années.

Au fond du parc, la Colonie du Chêne Fournier près de la ferme Riou où nous allions chercher du lait encore tiède.

Il y avait peu d'habitants au Parc de la Haye dans les années 40, la vingtaine de grosses maisons, souvent dites "bourgeoises" étaient éloignées les unes des autres.

Beaucoup d'autres propriétés closes étaient le plus souvent plantées d'arbres et comportaient une petite bicoque de quelques mètres carrés qui était habitée le dimanche.

Et puis des chênes, des chênes… et des châtaigniers plutôt jeunes, et des genêts, et des ronces, et des fougères immenses partout, presque la forêt… Notre forêt.

Henri Vincent - Avrillé - 10 mars 2013

Notes

Sur le même sujet

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L'exode de juin 1940
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Annotations

  1. Givet : Commune du département des Ardennes (région Champagne-Ardenne) où se déroulèrent des combats en mai 1940 entre l'armée française et la 32e division d'infanterie allemande.
  2. Libération : Période suivant l'occupation allemande de la France métropolitaine à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
  3. Baraquements : Ensemble de constructions légères destinées à servir de logement provisoire.
  4. a et b Armée d'occupation, troupes d'occupation : Désigne les troupes allemandes occupant le territoire français durant la Seconde Guerre mondiale.
  5. Cornette, au pluriel cornettes : Coiffure de certaines religieuses.
  6. Trépanation : En chirurgie, action de trépaner, perçage des os et spécialement ceux du crâne.
  7. Garde champêtre : Police communale chargée de la surveillance du territoire de la commune.
  8. Charroyer : Transporter par chariot ou charrette.
  9. Antédiluvien : Terme pour désigner quelque chose de très ancien (qui a existé avant le déluge).
  10. Seita: Nom (acronyme) d'une entreprise industrielle française, Société d'exploitation industrielle des tabacs et des allumettes, fabriquant du tabac et des allumettes.
  11. Eternit : Nom d'un procédé de fabrication de l'amiante-ciment, notamment utilisé dans les matériaux de construction.
  12. Mûre : Fruit de la ronce, le mûrier, que l'on trouve dans les haies sauvages.
    Sans accent, mure, désigne l’eau de mer qui reste dans les salines après la cristallisation du sel, ou l’eau saturée de sel après qu’on lui a fait subir l’évaporation.
  13. Établissements Bessonneau : Ensemble des usines de la Société anonyme des filatures, corderies et tissages d'Angers, créée en 1901 et qui ferma définitivement ses portes en 1974.
  14. MRU : Ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme, créé en France fin 1944.
  15. Rosières : Fabricant français d’appareils électroménagers.
  16. Ticket de rationnement : Système de rationnement mis en place en mars 1940, et prolongé pour certains produits, comme le pain, jusqu'en 1949.
  17. Seille : Seau avec une anse en métal dans lequel, en général, on passe une chaine pour tirer l'eau du puits. Voir aussi le mot seillau.
  18. Certificat d'étude : Appelé « certificat d'études » (ou familièrement « certif' »), le Certificat d'études primaires élémentaires était un diplôme sanctionnant la fin de l'enseignement primaire en France.
  19. Kartoffel : Nom commun désignant une pomme de terre.
  20. a et b Art déco : Mouvement artistique né dans les 1910, qui prit son essor dans les années 1920, avant de décliner dans les années 1930.