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« Les Thesmophores de Blaison en Anjou (1776-1777) » : différence entre les versions

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Vers la fin du XVIIIe siècle, Blaison est le siège éponyme d'une petite société savante dite des « Thesmophories » (du nom de fêtes agraires dans l'antiquité) qui se voue à l'agriculture et à l'étude de questions économiques et sociales. Les Thesmophores répètent à l’envi un engagement qui est bien conforme à l’esprit du siècle des Lumières. Leur société a, selon les mots de ses membres, un caractère « patriotique » et elle a pour vocation d’être « utile ». Ils espèrent entraîner « le public » dans leur entreprise. La société publie en 1776 et 1777 des programmes composés de « Questions » soumises à qui voudra répondre.  
 
Vers la fin du XVIIIe siècle, [[Blaison-Gohier]] est le siège éponyme d'une petite'' société savante dite des « Thesmophories »'' (du nom de fêtes agraires dans l'antiquité) qui se voue à l'agriculture et à l'étude de questions économiques et sociales. '''Les Thesmophores''' répètent à l’envi un engagement qui est bien conforme à l’esprit du siècle des Lumières. Leur société a, selon les mots de ses membres, un caractère « patriotique » et elle a pour vocation d’être « utile ». Ils espèrent entraîner « le public » dans leur entreprise. La société publie en 1776 et 1777 des programmes composés de « Questions » soumises à qui voudra répondre.  




L’esprit de la société est bien manifesté dans ses programmes :  
L’esprit de la société est bien manifesté dans ses programmes :  
« attachés à la Patrie par des emplois différents, qui occupent leur temps fructueusement, ils se font plaisir de lui dérober un jour, tout les mois, pour se livrer à l’amitié, et à la culture des talents vraiment utiles. Tel est l’objet de la société de Blaison, qui, en faisant des Questions, a cru les devoir faire d’une utilité générale, pour ne point se cantonner à son seul district [...] L’économie rurale est toujours le premier objet de la société des Tesmophories, qui se permet aussi quelquefois de jetter des regards sur tout ce qui peut coopérer au bien public...»  
« attachés à la Patrie par des emplois différents, qui occupent leur temps fructueusement, ils se font plaisir de lui dérober un jour, tout les mois, pour se livrer à l’amitié, et à la culture des talents vraiment utiles. Tel est l’objet de la société de Blaison, qui, en faisant des Questions, a cru les devoir faire d’une utilité générale, pour ne point se cantonner à son seul district [...] L’économie rurale est toujours le premier objet de la société des Tesmophories, qui se permet aussi quelquefois de jetter des regards sur tout ce qui peut coopérer au bien public...»  




La société tente aussi d'obtenir des financements royaux pour faire réaliser des travaux d'assèchement. Les Thesmophores disparaissent après 1777, ayant laissé une vingtaine de mémoires et une correspondance qui sont aujourd'hui déposés aux Archives départementales de Maine-et-Loire. De tels cercles ont été nombreux au XVIIIe siècle. Mais jusqu'à preuve du contraire, il s'agit de la seule société d'agriculture non-royale qui a laissé de telles traces de son activité.  
La société tente aussi d'obtenir des financements royaux pour faire réaliser des travaux d'assèchement. Les Thesmophores disparaissent après 1777, ayant laissés une vingtaine de mémoires et une correspondance qui sont aujourd'hui déposés aux [[Archives départementales|Archives départementales de Maine-et-Loire]]. De tels cercles ont été nombreux au XVIIIe siècle. Mais jusqu'à preuve du contraire, il s'agit de la seule société d'agriculture non-royale qui a laissé de telles traces de son activité.<br>
Le caractère singulier de ces archives a suscité le travail d'une équipe d'historiens et l'édition d'un livre comprenant l'édition des mémoires des Thesmophores et une partie de leur correspondance, d'où le livre : ''Une société agronomique au XVIIIe siècle : les Thesmophores de Blaison en Anjou, sous la direction d'Antoine Follain'', Dijon, EUD (Editions Universitaires de Dijon), 2010, VI-281 p. Préface de Daniel Roche, professeur au Collège de France. Ont participé à cet ouvrage : Serge Bianchi, Jean-Michel Dérex, Carole Fleith-Schweiger, Antoine Follain, Jean-Louis Guitteny, Fabien Knittel, Teona Mekechvili, Benoît Musset, Brigitte Maillard, Clément Trénit, François Vallat, ainsi qu’une vingtaine d'autres universitaires consultés comme experts et des étudiants en histoire associés durant deux ans à ce projet.
Le caractère singulier de ces archives a suscité le travail d'une équipe d'historiens et l'édition d'un livre comprenant l'édition des mémoires des Thesmophores et une partie de leur correspondance, d'où le livre : ''Une société agronomique au XVIIIe siècle : les Thesmophores de Blaison en Anjou, sous la direction d'Antoine Follain''<ref>''Une société agronomique au XVIIIe siècle : les Thesmophores de Blaison en Anjou, sous la direction d'Antoine Follain'', Dijon, EUD (Editions Universitaires de Dijon), 2010, VI-281 p. Préface de Daniel Roche, professeur au Collège de France. Ont participé à cet ouvrage : Serge Bianchi, Jean-Michel Dérex, Carole Fleith-Schweiger, Antoine Follain, Jean-Louis Guitteny, Fabien Knittel, Teona Mekechvili, Benoît Musset, Brigitte Maillard, Clément Trénit, François Vallat, ainsi qu’une vingtaine d'autres universitaires consultés comme experts et des étudiants en histoire associés durant deux ans à ce projet.</ref>




Certains mémoires sont très correctement écrits. D'autres non, et si le mémoire de Commeau-Delaroche, l’un des Thesmophores, avait été soumis au jugement de quelque académie, sans doute aurait-il fait l’objet d’une appréciation le qualifiant de « style de charretier » ; « Plein de bonnes choses mais style de charretier » étant une annotation relevée dans un rapport porté sur un mémoire remis à l'Académie de La Rochelle en 1784<ref>ROCHE, Daniel, ''Le siècle des lumières en province. Académies et académiciens provinciaux 1680-1789'', Paris et La Haye, Mouton, 1978, p. 341</ref>. On comprend pourquoi une telle appréciation aurait bien convenu à certains travaux des Thesmophores, lorsqu'on lit par exemple : « Jay crois qu’il faut faire atension dans quelle payce l'on est pour cella car dans les endrois ardrilieu, et dans les qualiotage la vigne resiste plus lon tans, que dans les teres grave. Voicy les raisons que j'en donne. »
Certains mémoires sont très correctement écrits. D'autres non, et si le mémoire de Commeau-Delaroche, l’un des Thesmophores, avait été soumis au jugement de quelque académie, sans doute aurait-il fait l’objet d’une appréciation le qualifiant de « style de charretier » ; « Plein de bonnes choses mais style de charretier » étant une annotation relevée dans un rapport porté sur un mémoire remis à l'Académie de La Rochelle en 1784<ref>ROCHE, Daniel, ''Le siècle des lumières en province. Académies et académiciens provinciaux 1680-1789'', Paris et La Haye, Mouton, 1978, p. 341</ref>. On comprend pourquoi une telle appréciation aurait bien convenu à certains travaux des Thesmophores, lorsqu'on lit par exemple : « Jay crois qu’il faut faire atension dans quelle payce l'on est pour cella car dans les endrois ardrilieu, et dans les qualiotage la vigne resiste plus lon tans, que dans les teres grave. Voicy les raisons que j'en donne. »


C'est que la banalisation de l’écrit au XVIIIe siècle s’est accompagnée d’un important fléchissement du niveau rédactionnel. Mais l'important est que les Thesmophores pensaient souvent très correctement. Ils avaient appris comment on devait étudier l'agronomie et, par exemple, comment les nouveaux « économistes » avaient recommandé de calculer les résultats des exploitations agricoles. Les orientations de la société ne sont pas forcément celles des grands agronomes et économistes, notamment lorsque les Thesmophores défendent la « petite culture ». Mais ils participent à leur manière au grand mouvement d'idées du Siècle des Lumières. L’aventure singulière des Thesmophores a un intérêt pour l’histoire culturelle et sociale de la France. On le voit bien dans l'article FOLLAIN, Antoine, et TRENIT, Clément (étudiant angevin), « Un cercle dans l’air du temps… », et dans l'article FLEITH-SCHWEIGER, Carole (étudiante à l’Université de Haute-Alsace), FOLLAIN, Antoine, et TRENIT, Cément, « Les activités des Thesmophores. Travaux et correspondance de la société agronomique de Blaison en Anjou (1776-1777) », et dans KNITTEL, Fabien, « Agronomie et sociétés savantes agricoles (XVIIIe-XIXe siècles). Une mise en perspective de la société des Thesmophories » (tous édités dans le livre signalé plus haut).
C'est que la banalisation de l’écrit au XVIIIe siècle s’est accompagnée d’un important fléchissement du niveau rédactionnel. Mais l'important est que les Thesmophores pensaient souvent très correctement. Ils avaient appris comment on devait étudier l'agronomie et, par exemple, comment les nouveaux « économistes » avaient recommandé de calculer les résultats des exploitations agricoles. Les orientations de la société ne sont pas forcément celles des grands agronomes et économistes, notamment lorsque les Thesmophores défendent la « petite culture ». Mais ils participent à leur manière au grand mouvement d'idées du Siècle des Lumières. L’aventure singulière des Thesmophores a un intérêt pour l’histoire culturelle et sociale de la France. <ref>Voir l'article FOLLAIN, Antoine, et TRENIT, Clément (étudiant angevin), « Un cercle dans l’air du temps… », et l'article FLEITH-SCHWEIGER, Carole (étudiante à l’Université de Haute-Alsace), FOLLAIN, Antoine, et TRENIT, Cément, « Les activités des Thesmophores. Travaux et correspondance de la société agronomique de Blaison en Anjou (1776-1777) », et dans KNITTEL, Fabien, « Agronomie et sociétés savantes agricoles (XVIIIe-XIXe siècles). Une mise en perspective de la société des Thesmophories » (tous édités dans le livre signalé plus haut).</ref>




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La société disparaît tout aussi brutalement qu’elle est apparue. Aucun acte n'atteste une dissolution de la société ni une séparation de ses membres. Simplement, il n’y a pas de documents datés plus loin que la fin de l’année 1777.
La société disparaît tout aussi brutalement qu’elle est apparue. Aucun acte n'atteste une dissolution de la société ni une séparation de ses membres. Simplement, il n’y a pas de documents datés plus loin que la fin de l’année 1777.


''Source : par Antoine Follain, Professeur des Universités, Institut d’Histoire moderne de l’UDS (précédemment Maître de Conférences à l’Université d’Angers) ''
 
* '''''Source''' : par Antoine Follain, Professeur des Universités, Institut d’Histoire moderne de l’UDS (précédemment Maître de Conférences à l’Université d’Angers) ''




==Premier programme publié par les Thesmophores==
==Premier programme publié par les Thesmophores==
Archives départementales de Maine-et-Loire, 8D2, imprimé. Publié avec l'autorisation des auteurs du livre cité : ''Une société agronomique...''
Archives départementales de Maine-et-Loire, 8D2, imprimé. Publié avec l'autorisation des auteurs du livre cité : ''Une société agronomique...''


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Mémoire anonyme donné en réponse à la question du mois de septembre 1777 « Un propriétaire de soixante arpents de terres & prés, & de vingt quartiers de vigne, aurait-il plus de profit à faire valoir son bien, que de l’affermer pour mener un commerce proportionné à sa fortune ? » Arch. dép. Maine-et-Loire, 8D3, pc 36. Publié avec l'autorisation des auteurs du livre cité : ''Une société agronomique...''  
Mémoire anonyme donné en réponse à la question du mois de septembre 1777 « Un propriétaire de soixante arpents de terres & prés, & de vingt quartiers de vigne, aurait-il plus de profit à faire valoir son bien, que de l’affermer pour mener un commerce proportionné à sa fortune ? » Arch. dép. Maine-et-Loire, 8D3, pc 36. Publié avec l'autorisation des auteurs du livre cité : ''Une société agronomique...''  
On y trouvera des commentaires sur les méthodes de calculs recommandées au XVIIIe siècle par les grands auteurs. On comprend alors à quel point les Thesmophores de Blaison sont bien informés.   
 
On y trouvera des commentaires sur les méthodes de calculs recommandées au XVIIIe siècle par les grands auteurs. On comprend alors à quel point les '''Thesmophores de Blaison''' sont bien informés.   




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[<u>note :</u> Cette curieuse fin poétique a quelques explications que l’on trouvera dans le livre ''Une société agronomique…'' Le début du poème est inspiré des ''Bucoliques...'' (Eglogues, II, 65) du poète latin Virgile : « Trahit sua quemque voluptas... » ; voir FLEITH-SCHWEIGER, Carole, FOLLAIN, Antoine, et TRENIT, Clément, « Les activités des Thesmophores… », section « Des amateurs sincères ou des assoiffés de reconnaissance ? »].
[<u>note :</u> Cette curieuse fin poétique a quelques explications que l’on trouvera dans le livre ''Une société agronomique…'' Le début du poème est inspiré des ''Bucoliques...'' (Eglogues, II, 65) du poète latin Virgile : « Trahit sua quemque voluptas... »]<ref>voir FLEITH-SCHWEIGER, Carole, FOLLAIN, Antoine, et TRENIT, Clément, « Les activités des Thesmophores… », section « Des amateurs sincères ou des assoiffés de reconnaissance ? »</ref>.