Les bombardements à Briollay

De Wiki-Anjou

Souvenirs des bombardements en Anjou durant la Seconde Guerre mondiale.

Photographie de combats à Cherré en août 1944.


Le contexte

En 1939 débute le conflit de la Seconde Guerre mondiale, qui durera jusqu'en 1945. Il oppose notamment le Reich allemand à la France, le Royaume-Uni et les États-Unis (Alliés). Durant cette période, des bombardements sont effectués par l'aviation dès les premières heures du conflit. La France est occupée dès 1940 par les troupes allemandes, qui prennent le contrôle des infrastructures, qui deviennent alors des objectifs des bombardements alliés[1].

Très tôt l'Anjou est visée par l'aviation alliée, comme Angers en août 1940 ou Cholet en juillet 1942[2].

En 1944, les alliés préparent le débarquement. Entre mai et juillet, Angers est bombardée quatre fois par les Alliés[3]. L'aviation alliée bombarde fréquemment les gares et leurs abords. Dans la nuit du 28 au 29 mai, plus d'une centaine d'avions bombardent le quartier Saint-Laud à Angers. Huit cent maisons sont détruites. Le 2 juin, c'est au tour de Saumur de vivre le même épisode[4],[5],[6], puis à nouveau Angers, où le 8 juin c'est la gare d'Angers-Maître-École qui est bombardée[7]. Toujours en juin, l'aérodrome d'Avrillé et le quartier du Bois du Roy subissent eux aussi des bombardements américains[8],[7]. En juillet, les 16 et 31, le Pouancéen est bombardé par la 9e US Air Force[9]. Baugé et Segré subissent également des bombardements en juin et juillet, comme La Possonnière, Ingrandes-sur-Loire, Montjean-sur-Loire et Bouchemaine[7].

À Briollay, petite commune à 11 kilomètres au nord d'Angers[10],[11], la gare du Vieux-Briollay est elle aussi bombardée.

Témoignage

Née en avril 1940, enfant de la guerre, ma petite enfance a été profondément marquée par cette période.

Mon père fut mobilisé pour partir à la guerre dès mon 3ème jour de naissance. Ma mère se retrouvait donc seule pour subvenir à nos besoins, mon frère et moi. Elle y parvint fort bien en travaillant dans un grand restaurant à Angers. Mais comme nous habitions Angers, près de la gare Saint-Serge, elle nous a mis en sécurité chez ma grand’mère à Briollay. Bien que Briollay soit moins exposé aux bombardements, j’ai quelques souvenirs de ces sifflements dans le ciel. Comme la plupart de ceux qui sont nés pendant cette période, ma mémoire est défaillante, ayant inconsciemment enfoui au plus profond de moi tous ces mauvais souvenirs qu’il m’est impossible aujourd’hui de retrouver.

Je me souviens pourtant que, lorsque les sirènes retentissaient et que l’on entendait ces sifflements dans le ciel, on se précipitait dans la pièce la plus sûre de la maison, sous une poutre, glissés entre la cloison et deux grosses armoires… et moi, haute comme trois pommes, entre ma grand’mère maternelle et celle que j’appelais grand’mère 2 (une réfugiée de Saint-Nazaire que nous avions recueillie) je leur tenait la main en leur disant : « Faut pas avoir peur, je vous tiens la main !.. » Trop petite je ne me rendais pas compte du danger, mais mon frère - mon aîné de 7 ans - et le petit voisin de 2 ans de plus que moi, lui aussi réfugié chez sa grand’mère notre voisine, n’étaient pas trop rassurés. Ils avaient ordre tous les deux de m’aider à monter les marches du perron pour rentrer à la maison dès que les sirènes retentissaient.

Je me souviens aussi avoir failli être étouffée par une dame, très forte, qui venait laver le linge chez ma grand’mère. J’étais partie avec elle rincer le linge à la rivière quand un bombardement est arrivé. Elle s’est jetée sur moi de tout son poids pour me protéger et j’ai eu du mal à retrouver mon souffle quand elle s’est relevée, une fois le danger écarté. C’était courageux et je l’ai remercié plus tard quand je fus plus grande.

Encore un souvenir qui me revient : le père de mon petit voisin, quand ça sifflait dans le ciel, se tenait courageusement sur le pas de sa porte, une pelle à la main pour renvoyer un projectile qui aurait pu tomber trop près de sa maison. Précaution dérisoire qui nous a fait souvent rire plus tard quand il en parlait. Il pensait vraiment protéger sa famille recroquevillée au fond de la cuisine, au sacrifice de sa vie sûrement.

Les années ont passé et lorsque j’ai vu mon père pour la première fois j’avais 5 ans. Je le revois encore arriver, vêtu d’une sorte de grand manteau kaki, pas rasé, pas propre, sale même. Ma mère m’avait toujours parlé de ses grandes mains et j’ai aussitôt vérifié. Oui, il avait de grandes mains et je lui ai dit « Bonjour Monsieur ». L’apprentissage pour dire « papa » fut très long et il a dû en souffrir en silence. Mon frère, par contre, tout joyeux de le retrouver, a couru au-devant de lui pour lui sauter au cou.

Nous sommes revenus au domicile de nos parents, mon frère et moi et il m’a fallu m’adapter à cette nouvelle vie, privée de ma grand-mère, seule personne m’ayant donné de la tendresse pendant ma petite enfance. Ma mère nous adorait mais je ne la voyais pas parce qu’elle faisait parfois, très tard le soir après son travail, 12 kilomètres à vélo pour nous regarder dormir mon frère et moi et repartait très tôt le matin.

Josette H, juin 2014

Notes

Sur le même sujet

L'exode de juin 1940
Les baraquements du parc de la Haye
Mémoire de guerre

Sources

  1. Wikipédia, Bombardements stratégiques durant la Seconde Guerre mondiale, juin 2014
  2. Michel Lemesle, 1939-1945 à travers l'Anjou, Éd. du Choletais, 1976, p. 57
  3. Mairie d'Angers, Almanach d'Angers 1914-1944, juin 2014
  4. Service des archives départementales, 1944 : l'Anjou libéré, juin 2014
  5. Michel Vaissier, Anjou, terre secrète du Graal ?, Éditions Cheminements, 1999, p. 203
  6. Michel Raclin et Michel Harouy, Une mémoire sur les rails - Le Petit-Anjou au quotidien, Éditions Cheminements, 1998, p. 278 et 279
  7. a b et c Raymond Marchand, Le temps des restrictions - La vie des Angevins sous l'Occupation, Éditions Cheminements, 2000, p. 438
  8. Communauté d'agglomération d'Angers Loire Métropole, Histoire d’Avrillé, juin 2014
  9. Syndicat d'initiative du Haut-Anjou Pouancéen, Conférence sur la forêt de la Guerche et l'occupation de la forêt d'Araize pendant la dernière guerre mondiale, juin 2014
  10. Lion1906 (Lionel Delvarre), Distances à partir de Rochefort-sur-Loire (49), juin 2010 (distances orthodromiques)
  11. IGN, Géoportail (Briollay), juin 2014