Dessèchement des marais de Corzé par G. Goury

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Langue et littérature angevine
Document   Marais de Corzé
Auteur   G. Goury aîné
Année d'édition   1827
Éditeur   Carilian-Gœury éditeur (Paris)
Note(s)   Souvenirs polytechniques ou Recueil d'observations, mémoires et projets


MARAIS DE CORZÉ




DESSÈCHEMENT
DES MARAIS DE CORZÉ.


RAPPORT
SUR LA PÉTITION DU MAIRE DE CORZE, RELATIVE AUX MARAIS QUI BORDENT
LA RIVIÈRE DU LOIR, DANS L'ÉTENDUE DE CETTE COMMUNE.


Vu la pétition du maire de Corzé, tendant à provoquer la sollicitude du préfet à l'égard des marais situés dans ladite commune, sur la rive gauche du Loir, à l'effet qu'un ingénieur prenne connaissance des localités, et désigne les moyens possibles de changer et d'améliorer l'état actuel des terrains dont il s'agit ; nous soussigné, ingénieur des ponts et chaussées, nous sommes transporté le 13 fructidor de l'an XI dans ladite commune de Corzé, où, étant accompagné du sieur Bardet, conseiller de préfecture, et du sieur Baron, tous deux propriétaires riverains du Loir, le maire se trouvant absent, nous avons, sur les indications et les renseignements des propriétaires dénommés, parcouru, ce jour et le suivant, la rive gauche de la rivière et les terrains marécageux dont il est question, depuis le port de Bronne jusqu'au-dessous de la porte marinière de Corzé.

Après avoir examiné la hauteur des eaux de la rivière en amont et en aval des chaussées, le niveau du déversoir de Corzé, les boires et les fossés qui communiquent avec le lit principal et traversent les marais, enfin l'élévation des terrains et du fond desdites boires, nous avons reconnu :

Que le 13 fructidor, l'eau se trouvant à peu près à la hauteur déterminée par le règlement approuvé, qui fait suite au procès-verbal de visite générale du Loir, du mois de vendémiaire an VII, les marais de Corzé, le long des canaux inférieurs, étaient entièrement à sec et d'environ quatre décimètres au-dessus de la superficie des eaux du biez ou de la champagne. L'eau ayant crû d'environ deux décimètres dans la nuit du 13 au 14, les marais étaient encore le 14 au matin totalement découverts ; l'eau ne s'éleva, dans les boires transversales, que de manière à couvrir le fond de plusieurs parties encombrées, qui paraissait avant l'afflot et fut de nouveau découvert, l'afflot venant à diminuer par l'ouverture que l'on fit de la porte marinière pour le passage d'un bateau ;

Que l'inondation des marais a lieu, non seulement par le refoulement des bouches inférieures, mais encore par trois boires ou fossés, communiquant avec le lit principal, dont le plus élevé prend sa naissance vis-à-vis la ferme de Bronne, et le plus bas se nomme la boire du Clavin. Ces boires ont trois mètres de largeur à leur origine et quatre mètres dans la traversée des marais ; la partie inférieure de leurs lits est obstruée par des vases et des plantes marécageuses qui, formant digue, s'opposent à l'écoulement des eaux et même à l'égout des terres.

Outre l'inconvénient qui résulte du défaut de curage de ces boires, leur lit paraît, à en juger par la couche des vases, qui est de cinq à sept décimètres, n'avoir pas été creusé assez bas ; en sorte que, dans l'état actuel, le fond des parties inférieures les plus atterries se trouve à un mètre deux décimètres environ au-dessus du seuil de la porte marinière de Corzé. On voit que, malgré toutes les écournes possibles de la rivière, ces boires ne pourraient être évacuées.

Tel est donc l'état des terrains marécageux de Corzė, qu'ils reçoivent des eaux de toutes parts sans pouvoir les dégorger. Nous avons eu lieu d'en faire l'épreuve à l'époque de l'écourne de l'an X : ayant mis au ponceau du jardin de la nouvelle Cure un repère du niveau des eaux avant l'écourne, lorsqu'il n'y avait pas un décimètre d'eau sur le seuil de la porte marinière, l'eau n'avait baissé dans les boires du marais que de vingt-sept centimètres ; en rivière elle avait diminué d'environ un mètre six décimètres, ou cent soixante centimètres.

Il suffit presque toujours, dans les cas semblables, d'avoir pu reconnaître la cause du mal, pour en trouver les remèdes. Ici, l'examen des localités et les observations ci-dessus relatées nous font entrevoir les moyens, sinon de dessécher des terrains naturellement plus bas que les chantiers au bord de la rivière, du moins d'améliorer sensiblement leur état, de convertir ces marais en bons pâturages et d'assainir leurs exhalaisons trop voisines du bourg de Corzé. Il s'agit de maintenir ou de prolonger chaque année la situation actuelle de ces terrains. (On ne dissimule pas que la sécheresse de l'été y contribuera plus ou moins par l'évaporation directe des eaux dont ils sont imbibés.) Pour cet effet, nous pensons qu'il convient :

1° De barrer à leur origine les trois boires ou fossés dérivés du lit de la rivière, savoir : la boire de Bronne, la boire entre la Varenne et le Clavin, et la boire du Clavin. Dans le haut de la première, il sera construit une vanne adaptée à la tête d'amont du ponceau de Bronne, dont l'effet sera d'intercepter à volonté les eaux de la rivière, ou de les introduire dans la boire lorsqu'on voudra rafraîchir et renouveler l'eau des marais de Corzé. Les deux autres boires seront bouchées en tête par des terre-pleins de six mètres d'épaisseur , défendus par une jetée en moellon du côté du Loir ;

2° D'exhausser quelques parties basses du chantier, qui facilitent l'épanchement latéral des moyennes eaux de la rivière dans les marais, notamment à l'ancienne boire du Gazeau et dans le bas de la Champagne ;

3° D'enlever les vases et les joncs qui obstruent les canaux traversant les marais, et d'approfondir ensuite leur lit, de manière à pouvoir contenir les eaux superflues, et à faciliter leur écoulement ;

4° De creuser un nouveau canal d'embouchure pour le dégorgement des boires qui traversent les marais, depuis le pont de bois de l'Ouche jusqu'au fossé de clôture du sieur Baron, sur soixante mètres de longueur, en condamnant les deux embranchements actuels. Ce canal, plus direct, sera creusé de manière à ce que le fond de son lit se trouve de cinq centimètres au-dessus du seuil de la porte marinière , afin de pouvoir dégorger les eaux des marais le plus bas possible. Les déblais qui en proviendront sont d'ailleurs nécessaires pour exhausser les chantiers et pour intercepter les anciens embranchements.

Ainsi, les marais ne recevront d'eaux étrangères, excepté quand le Loir sera dérivé, que par le refoulement de leur seule embouchure ; encore existe-t-il un moyen d'empêcher ce refoulement, moyen sans doute inutile si les déversoirs projetés sur toutes les chaussées du Loir étaient mis à exécution, parce qu'ils maintiendraient généralement les eaux moyennes au-dessous des marais de Corzé ; mais jusqu'à ce que le gouvernement puisse entreprendre cette dépense, qui entraînerait simultanément le dragage ou creusement des bas-fonds de la rivière, opération assez coûteuse, on ne doit point s'occuper de régulariser la navigation, on ne peut que limiter provisoirement la charge des bateaux. En attendant, on aurait donc recours au moyen d'empêcher le refoulement des eaux, lequel moyen consiste à faire, dans le nouveau canal d'embouchure, une petite écluse avec des vannes ou clapets, que l'on tiendrait fermés autant qu'on voudrait empêcher l'eau du biez de communiquer avec celle des marais. Cependant, nous croyons qu'il résulterait des premiers travaux proposés, travaux indispensables dans tous les cas et bien moins dispendieux que l'écluse, une amélioration notable des terrains de la commune de Corzé.

Nous donnerons ci-après un aperçu de la dépense qu'entraînerait l'exécution de tous les ouvrages mentionnés, laissant à ladite commune à déterminer initiativement la somme qu'elle voudra dépenser. Il paraît que, dans le cas de la plus forte dépense, une seule année du revenu des terrains en question pourrait y suffire.

Nous terminerons ce rapport en observant qu'il y a un autre moyen de dessèchement véritable des marais de Corzé ; ce serait de profiter de la chute formée par la digue ou chaussée adjacente à la porte marinière de Corzé, en dirigeant au-dessous le canal d'embouchure ; mais ce projet nécessiterait des déblais énormes, et la construction d'un aqueduc souterrain de grande dimension et d'une solidité particulière, dans une longueur d'environ cent soixante mètres , qui dégraderait une propriété précieuse en traversant plusieurs édifices, et coûterait au moins 40,000 francs. Nous voudrions cependant pouvoir nous arrêter à cette idée.

On verra sur le plan figuré que nous annexons au présent rapport (pl. XVI, fig. 150 ) la situation des ouvrages proposés et les canaux à creuser, nettoyer, ou bien intercepter.


APERÇU DE LA DÉPENSE A FAIRE POUR AMÉLIORER L'ÉTAT
DES MARAIS DE CORZÉ.


ARTICLE I.

Dépense première et indispensable.

1° Vanne proposée à la tête du ponceau de Bronne pour intercepter et introduire à volonté les eaux de la rivière dans les marais. La vanne, avec ses accessoires et la fondation en maçonnerie, est estimée 200 fr., ci . . . . . . 200 fr.

2° Terre-pleins des boires du Gazeau, de celles au-dessous de la Varenne et du Clavin, avec les jetées en moellon du coté de la rivière, estimés ensemble 250 fr., ci . . . . . . 250

3° Nouveau canal d'embouchure de 60 mètres de longueur sur 5 mètres de largeur et 2 mètres 5 centimètres de profondeur réduite, dont les terres serviront à l'exhaussement des chantiers du bas de la Champagne, et au barrage des anciens embranchements, estimé 460 fr., ci . . . . . . 460

4° Creusement des boires des marais, savoir : de la boire du Clavin, depuis la jonction de la boire de l'usage jusqu'à la boire du Bas-du-Bourg, sur 200 mètres de longueur. Le curage des vases sur 6 décimètres de hauteur réduite étant à la charge des riverains, on n'en tiendra point compte. Le creusement de cette partie, sur 6 décimètres de profondeur réduite, produira . . . . . . 480

De la boire du Bas-du-Bourg, depuis la jonction de la précédente boire, près de la pêcherie du sieur Pivert, jusqu'au pont de l'Ouche, sur 120 mètres de longueur. Le curage des vases, sur 5 décimètres de hauteur , est à la charge des riverains; le creusement du lit, sur 5 décimètres de profondeur réduite , produira . . . . . . 240

Cube total . . . . . . 720

A reporter . . . . . . 910 fr.

Les 720 mètres cubes sont estimés, eu égard à la difficulté, 540 ci . . . . . . 540

Faux frais et indemnités pour les fouilles des trois premiers numéros, évalués à 50 francs, ci . . . . . . 50

Estimation totale du premier article . . . . . . 1,500 fr.

ARTICLE II.

Écluses et vannes dans le nouveau canal d'embouchure.

L'écluse serait composée de deux masses ou bajoyers, dont les angles, le couronnement et les faces seraient en pierre de taille, le tout fondé sur un radier en maçonnerie de moellon ardoisin. On y adapterait trois vannes à clapets, susceptibles d'être manœuvrées séparément par un homme seul. Cet ouvrage exigeant une construction solide, on ne peut l'évaluer à moins de 3,500 francs, ci . . . . . . 3,500

Total général de la dépense . . . . . . 5,000 fr.

Fait à Angers, le 20 fructidor de l'an XI de la république française.

G. G.

NOTA. P. S. Les propriétaires intéressés, réunis au conseil municipal de Corzé, ont délibéré l'exécution du dernier projet complémentaire, avec canal souterrain. L'adjudication des travaux a été passée dans l'année suivante, d'après les plans, devis et détail estimatif rédigés par le même ingénieur.




Guillaume Goury aîné, Marais de Corzé, dans Souvenirs polytechniques ou Recueil d'observations, mémoires et projets, tome premier, Carilian-Gœury éditeur (Paris), 1827, p. 274-279 (notice BnF).

Guillaume Étienne Charles Goury (Landerneau 1768 - Angers 1854), ingénieur des Ponts et chaussées à Angers en 1783, à Durtal en 1800, puis en Ille-et-Vilaine. Se retire à Angers en 1834 où il finit sa vie. (C. Port 1978, p. 251)


Autres documents : carte de Guyet (1579), carte de Fer et Inselin (1697), carte de Nolin (1759), atlas de Levasseur (1852), indicateur de Millet de la Turtaudière (1861), dictionnaire Port (1874), géographie de Michelet (1875), géographie de Verne (1876), notice de Milon (1889), carte de Alard (1899), carte de Verrier et Onillon (1908), ainsi que la liste des cartes et le Maine-et-Loire au XIXe.


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