Le Maine-et-Loire au XIXe siècle

De Wiki-Anjou

En 1847, Victor Levasseur publie une carte annotée du département de Maine-et-Loire. Trente ans plus tard, pendant la révolution industrielle, Jules Michelet et Jules Verne publient aussi des données.


Carte de Levasseur en 1852

Carte de Victor Levasseur.

Le département de Maine-et-Loire par le géographe Victor Levasseur (1800-1870), publié pour la première fois en 1847, comprenant des données sur les divisions administratives, le territoire, les personnalités, la production et le commerce[1].

Division, administration

« Le département de Maine et Loire est formé de l'ancienne province d'Anjou. Il est divisé en 5 arrondissements communaux[2], 34 cantons et 373 communes[3]. Sa population est de 504.963 habitants sur une étendue de 718.807 hectares, ce qui donne 1088 habitants par lieue de poste carrée. Revenu des propriétés immobilières des communes 140,919 francs. Impôt foncier 2,537,544 francs. 14e Division militaire. 21e Arrondissement forestier. 14e inspection des Ponts et Chaussées. 6e Légion de Gendarmerie. Inspection Ouest du service des mines. Dépôt Nationale d'étalons à Angers. Cour d'Appel et académie d'Angers. Évêché à Angers suffragant de l'archevêché à Tours. »

Arrondissements communaux

Angers 9 Cantons 88 Communes 152,406 habitants
Baugé 6 66 80.341 id.
Segré 5 61 60.210 id.
Beaupreau   7 75 117,078 id.
Saumur 7 83 94,928 id.
34 373 504,963 id.

« Cinq Arrondissements[2] qui comptent 111.892 électeurs 11 représentants. Situation d'Angers 47° 28′ 17″ latitude Nord 2° 53′ 34″ longitude occidentale. Population d'Angers 44,781 habitants. Distance de Paris à Angers par le Mans d'après l'administration des Postes 304 kilomètres (78 lieues de poste). »

Territoire

« Le département offre les différentes espèces de sol qui suivent : 28,215 ha de sol riche terreau ; 97,590 ha de craie ; 6,031 ha de gravier ; 7,932 ha de sol pierreux ; 31,019 ha de sol sablonneux ; 270,134 ha de sol argileux ; 248,471 ha de différentes sortes.Les sols calcaires ne présentent qu'environ 600 ha de sol non cultivé ; tout le reste est très productif. Le surplus est consacré à l'agriculture, abstraction faite des bois, des lieux bâtis, des chemins, des cours de rivières.

Mines de fer et de houille. Ardoisières. Marbres de toutes couleurs. Granit, pierre de taille, grès à paver. Eaux minérales au hameau de Joanette près de Martigné Briand. »

Curiosités

« La Grotte au puits Giraud, commune de St Florent-le-Jeune. Des antiquités romaines aux environs de Chênehutte, de Pont-de-Cé et de Saumur. La Cathédrale à Angers et son antique Château. Le camp de César près des Ponts-de-Cé. Les ruines du château de Beaufort. Dans la principale église de St Florent le monument sculpté par David et élevé à la mémoire du brave général vendéen Bonchamp qui au moment de mourir sauva la vie de 8,000 prisonniers républicains. Le château et le pont de Saumur ; son école de cavalerie. La maison de détention à Fontevrault. »

Célébrités

« St Hilaire, évêque de Poitiers. Le Maréchal de Comtades. Le Maréchal Scepeaux de Vieilleville. Le Général Turpin de Crissé. Mme Dacier-Ménage. Les généraux vendéens : Cathelineau, de Scerpeaux, d'Antichamp, Bourmont et le vertueux Bonchamp. Les généraux de la république et de l'empire : Quétineau, Bontemps, Lemoine, Desjardins, Évain, Girard. Le marin Dupetit-Thouars tué à Aboukir, son frère, un de nos savants botanistes. Le défenseur de Verdun Beaurepaire aussi revendiqué par le département de Seine et Marne. Le baron Trouvé, ancien préfet, auteur de l'ouvrage sur Jacques Cœur. La Bourdonnaye, ancien ministre. Bodin père et Bodin fils, députés. David (d'Angers) célèbre sculpteur membre de l'Institut. »

Production, commerce

« Le département contient 691,077 hectares de superficie imposable et 31,086 de non imposable. Les imposables sont 440,196 hectares de terres labourables, 80,023 hectares de prés, 38,260 hectares de vignes, 61,838 hectares de bois sapins, chênes, hêtres, 48,271 hectares de landes pâtis et bruyères, 22,489 hectares de vergers, jardins, étangs, propriétés bâties.

Production : toutes les céréales en quantité plus que suffisante pour la consommation. Sarrasin, légumes secs, noix, chanvre, lin, graine de trèfle. Arbres à fruits, pommes à cidre, pruniers et amandiers. Prunes de Sainte Catherine dont on fait d'excellents pruneaux. Vins de bonne qualité

Bons chevaux en grande quantité. Nombreux troupeaux de bêtes à laine mérinos, métis, chèvres cachemire. Gibier et poisson en abondance.

Le Commerce consiste en grains, bestiaux, vin blanc et rouge, eaux-de-vie, vinaigres, lin, chanvre, pruneaux, confitures sèches, huile, miel, cire, bois de charpente et de construction ; chapelets de coco et verroterie pour les îles. Fabrique de toiles dites Cholettes très renommées en France : de mouchoirs, de calicots d'indiennes. Draperie, tannerie, teinturerie ; Fabrique d'huile et exploitation considérable des carrières d'ardoises. »

Tableau de la France de Michelet en 1875

Couverture du Tableau de la France de Jules Michelet.

Le Maine-et-Loire dans le Tableau de la France par l'historien Jules Michelet (1798-1874) publié en 1875[4].

« C'est à Saint-Florent, au lieu même où s'élève la colonne du vendéen Bonchamps, qu'au IXe siècle le breton Noménoé, vainqueur des Northmans, avait dressé sa propre statue ; elle était tournée vers l'Anjou, vers la France qu'il regardait comme sa proie. Mais l'Anjou devait l'emporter. La grande féodalité dominait chez cette population plus disciplinable ; la Bretagne, avec son innombrable petite noblesse, ne pouvait faire de grande guerre ni de conquête. La noire ville d'Angers porte, non seulement dans son vaste château et dans sa Tour du Diable, mais sur sa cathédrale même, ce caractère féodal. Cette église Saint-Maurice est chargée, non de saints, mais de chevaliers armés de pied en cap : toutefois ses flèches boiteuses, l'une sculptée, l'autre nue expriment suffisamment la destinée incomplète de l'Anjou. Malgré sa belle position sur le triple fleuve de la Maine, et si près de la Loire, où l'on distingue à leur couleur les eaux des quatre provinces, Angers dort aujourd'hui. C'est bien assez avoir quelque temps réuni sous ses Plantagenets, l'Angleterre, la Normandie, la Bretagne et l'Aquitaine ; d'avoir plus tard, sous le bon René et ses fils, possédé, disputé, revendiqué du moins les trônes de Naples, d'Aragon, de Jérusalem et de Provence, pendant que sa fille Marguerite soutenait la Rose rouge contre la Rose blanche et Lancastre contre York. Elles dorment aussi au murmure de la Loire les villes de Saumur et de Tours, la capitale du protestantisme, et la capitale du catholicisme en France ; Saumur, le petit royaume des prédicants et du vieux Duplessis-Mornay, contre lesquels leur bon ami Henri IV bâtit la Flèche aux jésuites. Son château de Mornay et son prodigieux dolmen font toujours de Saumur une ville historique. Mais bien autrement historique est la bonne ville de Tours, et son tombeau de Saint Martin, le vieil asile, le vieil oracle, le Delphes de la France, où les Mérovingiens venaient consulter les sorts, ce grand et lucratif pèlerinage pour lequel les comtes de Blois et d'Anjou ont tant rompu de lances. Mans, Angers, toute la Bretagne, dépendaient de l'archevêché de Tours ; ses chanoines, c'étaient les Capets, et les ducs de Bourgogne, de Bretagne, et le comte de Flandre et le patriarche de Jérusalem, les archevêques de Mayence, de Cologne, de Compostelle. Là, on battait monnaie, comme à Paris ; là on fabriqua de bonne heure la soie, les tissus précieux, et aussi, s'il faut le dire, ces confitures, ces rillettes, qui ont rendu Tours et Reims également célèbres ; villes de prêtres et de sensualité. Mais Paris, Lyon et Nantes ont fait tort à l'industrie de Tours.

C'est la faute aussi de ce doux soleil, de cette molle Loire ; le travail est chose contre nature dans ce paresseux climat de Tours, de Blois et de Chinon, dans cette patrie de Rabelais, près du tombeau d'Agnès Sorel. Chenonceaux, Chambord, Montbazon, Langeais, Loches, tous les favoris et favorites de nos rois, ont leurs châteaux le long de la rivière. C'est le pays du rire et du rien faire. Vive verdure en août comme en mai, des fruits, des arbres. Si vous regardez du bord, l'autre rive semble suspendue en l'air, tant l'eau réfléchit fidèlement le ciel : sable au bas, puis le saule qui vient boire dans le fleuve ; derrière, le peuplier, le tremble, le noyer, et les îles fuyant parmi les îles ; en montant, des têtes rondes d'arbres qui s'en vont moutonnant doucement les uns sur les autres. Molle et sensuelle contrée, c'est bien ici que l'idée sut venir de faire la femme reine des monastères, et de vivre sous elle dans une voluptueuse obéissance, mêlée d'amour et de sainteté. Aussi jamais abbaye n'eut la splendeur de Fontevrault. Il en reste aujourd'hui cinq églises. Plus d'un roi voulut y être enterré : même le farouche Richard Cœur-de-Lion légua son cœur ; il croyait que ce cœur meurtrier et parricide finirait pas reposer peut-être dans une douce main de femme, et sous la prière des vierges. »

Géographie de Verne en 1876

Page 393 de la Géographie de Jules Verne.

Données recensées par Jules Verne (1828-1905) et publiées en 1876, comprenant la superficie, la population, l'agriculture, les mines et carrières, l'industrie et le commerce[5].

Superficie et population

« La superficie du département de Maine-et-Loire est de 712 563 hectares et sa population de 532 325 habitants ; ce qui donne environ 74 habitants par kilomètre carré ; l'accroissement de cette population a été de 15 500 âmes depuis le commencement du siècle ; elle se compose de 312 600 agriculteurs, 150 000 industriels ou commerçants, 12 000 habitants qui exercent des professions libérales et 45 000 sans profession.

Les habitants du département de Maine-et-Loire forment une population robuste et travailleuse, d'un caractère indépendant, qui s'est distinguée dans les armées Vendéennes ; ils sont très attachés à la religion, et très fidèles aux usages de leurs ancêtres.

La langue française est généralement employée dans les villes et les campagnes. »

Agriculture

« Le département de Maine-et-Loire possède 461 000 hectares de terres labourables, 86 000 de prairies naturelles, 30 500 de vignes, 28 000 de pâturages, landes, bruyères, 106 000 de bois, forêt, terres incultes, etc. Le sol y est divisé en 1 650 000 parcelles de terrains, possédées par 4 000 propriétaires.

Le département du Maine-et-Loire forme un pays agricole, où la science est en progrès ; chaque année des améliorations nouvelles, des méthodes perfectionnées et des drainages intelligemment pratiqués accroissent sa richesse. On y récolte annuellement pour 61 millions de céréales, production supérieure à la consommation départementale ; le blé prospère surtout dans les vallées de la Loire et de l'Authion, et le seigle dans les environs de Durtal, au nord de l'arrondissement de Baugé. Les autres cultures atteignent, année commune, une valeur de 39 millions de francs ; ce sont les pommes de terre et les légumes qui sont d'excellente qualité, le chanvre qui occupe 7 700 hectares de superficie et dont la valeur est de 4 millions de francs, le lin aux environs de Cholet, la vigne qui rend environ 500 000 hectares de vins, dont les plus estimés sont ceux des côtes de Saumur et d'Angers, les arbres fruitiers et principalement les pruniers et les pommiers qui donnent de très abondantes récoltes, les osiers des magnifiques îles de la Loire, les forêts de Chandelais, de Juigné, de Milly, de Beaulieu, etc., où dominent le chêne et le hêtre. Le produit annuel des pâturages, landes, prairies naturelles etc. atteint une valeur de près de 11 millions de francs.

On élève dans le département de belles races d'animaux domestiques, soit 47 000 chevaux de race bretonne et angevine, qui sont recherchés pour la cavalerie légère, 3 000 ânes ou mulets qui sont l'objet d'une exportation lointaine, 324 000 bêtes à cornes, parmi lesquelles les bœufs sont très demandés sur les marchés de Paris et pour les salaisons, 135 000 moutons, 100 000 porcs, etc. Le gibier et le poisson abondent sur les divers points du territoire.

Le revenu brut des animaux domestiques dépasse 40 millions de francs, et la valeur totale de la production agricole s'élève, année commune, à 111 millions. »

Mines, carrières

« Le sol du département de Maine-et-Loire est granitique, schisteux, calcaire ou sablonneux ; il existe des minières de fer dans les arrondissements d'Angers et de Segré, qui forment à peu près toute sa richesse métallique ; quelques gisements de houille sont situés principalement sur les bords de la Loire et ont amené la concession de 9 houillères ; des carrières de granit, de porphyre de diverses couleurs, de gneiss, de marbres, de pierres à chaux, de grès, de tuf, etc. existent sur divers points du territoire ; mais les principales exploitations sont celles du schiste ardoisier, à Trélazé, près d'Angers, dont le rendement est très considérable, et qui sont exploitées soit à ciel ouvert, soit sous terre. Les principales sources minérales du département sont celles de Martigné-Briant, dans l'arrondissement de Saumur, qui sont principalement froides et ferrugineuses, celles d'Épervières près d'Angers, etc. »

Industrie, commerce

« Le département de Maine-et-Loire est manufacturier et industriel en même temps qu'agricole. Au premier rang de ses diverses industries se place la fabrication des tissus dont le centre est à Cholet, et qui occupe 50 000 ouvriers à la confection des batistes, calicots, flanelles, et à la filature des laines et du lin, puis dans les principales villes à Angers, à Mortagne, à Chemillé, à Saumur, etc., les filatures de laines et de chanvre, les fabriques de toiles à voiles, de bougies, de machines à vapeur, de clous, les fonderies, les verreries, les corderies, les tanneries, les papeteries, les teintureries, etc. On compte 6 usines pour la fabrication du fer, 5 houillères en exploitation, qui produisent environ 550 000 quintaux métriques de combustible, 15 ardoisières qui emploient près de 3 000 ouvriers, et de nombreuses carrières de tuffeau et de pierres calcaires.

Les éléments du commerce départemental sont fournis par les produits du territoire ; ce sont d'abord les céréales dont on exporte 400 000 hectolitres par an, le chanvre, les fruits et surtout les prunes, les vins, puis les chevaux, les mulets, les bœufs, les porcs, enfin les produits manufacturés, la fabrication de Cholet, les ardoises, etc. »

La France par Reclus en 1877

Illustration de la Géographie d'Élisée Reclus.

Description du département de Maine-et-Loire par le géographe Élisée Reclus (1830-1905) dans la Nouvelle Géographie universelle publié de 1876 à 1894[6].

Chinon, Saumur, Fontevrault

« La région la plus importante de l'ancien Anjou est devenue le département de Maine-et-Loire, ainsi nommé des deux cours d'eau qui s'y réunissent à quelques kilomètres au sud-ouest d'Angers. Le grand fleuve qui traverse de l'est à l'ouest cette charmante contrée, la divise naturellement en deux régions ayant des affinités géographiques distinctes ; en outre, la constitution des roches, cristallines à l'ouest, secondaires et tertiaires à l'est, donne aux campagnes une physionomie distincte par la forme des collines et des vallées, les essences de végétation, les modes de culture, les matériaux des maisons. Le département de Maine-et-Loire a des bois, surtout dans la zone occidentale, moins fertile que celle de l'est ; mais les landes sont rares ; presque partout le sol cultivable est utilisé avec soin. D'après l'enquête de 1862, le Maine-et-Loire était le quatrième département agricole de la France par la valeur des cultures (1). Les vins, les blés, les fruits et surtout le bétail alimentent un grand commerce d'exportation. L'exploitation des ardoisières d'Angers et la fabrication des toiles et d'autres tissus donnent aussi à ce département un rang industriel très-élevé. La population de Maine-et-Loire est plus pressée qu'elle ne l'est en moyenne dans le reste de la France ; mais elle a diminué récemment en d'assez fortes proportions. Le régime de la grande propriété, qui prévaut en diverses parties du département, ne permet pas aux habitants des campagnes de trouver dans la contrée des ressources suffisantes et diminue par suite le nombre des naissances (2).

Le confluent de la Loire et de la Vienne est signalé de loin par le pittoresque château féodal de Montsoreau qui se dresse à un kilomètre plus bas sur la rive gauche du fleuve. En aval, Saumur est la première ville qui se présente. Fort importante aux temps de la Réforme, car elle eut alors jusqu'à 25,000 habitants, le double de ceux qui s'y trouvent aujourd'hui, Saumur offre un aspect assez imposant, grâce au vieux château qui la domine, aux clochers de ses églises, aux beaux quais de la Loire ; un de ses édifices, un ancien hôpital, a plusieurs salles creusées dans le roc, tant les mœurs des anciens troglodytes se maintiennent longtemps. Saumur est le siège d'une école de cavalerie qui donne à la ville une grande animation, surtout lorsque les jeunes officiers convient le public à leurs courses ou à leurs carrousels. Les marchés de Saumur sont très-importants pour les grains, les chanvres, les eaux-de-vie et les vins blancs, que l'on utilise partiellement pour en faire de faux champagne ; pour certains articles de tournerie, Saumur est aussi la rivale de Saint-Claude dans le Jura ; l'ancienne ville protestante a presque le monopole de la fabrication des chapelets ; elle en fournit la France, Rome et l'Espagne. De l'autre côté de la Loire, la large plaine alluviale de l'Authion produit les plus beaux chanvres de la France.

L'arrondissement de Saumur est très-riche en restes des anciens temps. A 2 kilomètres à peine, au sud, sur les bords du Thouet, s'élève le plus beau des dolmens de l'Anjou, celui de Bagneux, qui n'a pas moins de 19 mètres et demi de long sur 7 mètres de large et 3 mètres de haut. Beaucoup d'autres mégalithes et d'énormes tombelles se montrent au sud-est, près de Doué-la-Fontaine, ainsi nommée d'une source qui coule en véritable rivière ; mais le monument le plus célèbre de la contrée est l'antique abbaye de Fontevrault, convertie maintenant en maison centrale de détention. Ce fut jadis un groupe considérable d'édifices, presque une ville religieuse d'une grande magnificence ; plusieurs souverains d'Angleterre y furent inhumés et quatre statues couchées, d'un effet saisissant, sont encore conservées dans une chapelle de l'église. Le Grand-Moûtier est le plus beau reste de l'abbaye ; le chœur, entouré d'arcades byzantines et supportant une coupole, subsiste tel

(1) Produits de l'agriculture en 1862 dans le Maine-et-Loire : 210,000,000 fr.
(2) Superficie du Maine-et-Loire : 7,126 kilomètres carrés.
Population en 1872 : 518,450 habitants.
Population kilométrique : 75 habitants.

qu'il était au douzième siècle. La nef a été transformée en réfectoire et coupée en deux dans sa hauteur.

Fontevrault, Ponts-de-Cé, Angers

Au-dessous de Saumur et de la bouche du Thouet, on aperçoit sur un coteau dont la Loire vient ronger la base, l'ancien oppidum gaulois de Chênehutte, puis on dépasse successivement le superbe donjon de Trèves, l'église romane de Cunault, ornée à l'intérieur de plus de 200 colonnes à chapiteaux sculptés, le village de Gennes, où se trouvent les restes d'un théâtre romain et qu'entourent de nombreux dolmens et autres débris des âges préhistoriques. Au delà, la Ménitré, port d'expédition de la rive droite du fleuve, fait face à Saint-Maur, où sont les ruines d'une célèbre abbaye de Bénédictins. C'est là qu'on entre dans l'arrondissement d'Angers, et la première ville qui se présente sur la Loire, les Ponts-de-Cé, est en réalité un faubourg de la capitale de l'Anjou, située à 5 kilomètres au nord, sur les bords de la Maine. Les diverses îles sur lesquelles la ville des Ponts-de-Cé se développe en une rue de 3 kilomètres ont eu de tout temps une grande importance stratégique à cause de la facilité que présente en cet endroit le passage du fleuve : les ponts et les estacades qui se suivent de rive à rive à travers les bras de la Loire ont été disputés dans toutes les guerres avec acharnement ; encore en 1793, de sanglants combats y eurent lieu. C'est en aval des Ponts-de-Cé que l'Authion, maintenant canalisé, se mêle à la Loire, après avoir arrosé les riches campagnes dont Longué et Beaufort-en-Vallée, grand atelier et marché de toiles, sont les communes les plus populeuses. Son affluent le Couasnon passe à Baugé, chef-lieu d'arrondissement sans grande importance.

Angers, portant encore, comme Bourges et Tours, le nom du peuple gaulois, les Andécaves, qui avait en cet endroit son principal centre de groupement, occupe une fort belle position géographique, par laquelle on peut expliquer en partie le rôle considérable que la cité angevine a rempli dans l'histoire de France, soit comme capitale des provinces continentales des Plantagenets anglais, soit comme l'une des grandes villes provinciales de la France. Il est vrai qu'elle ne se trouve pas sur la Loire elle-même, mais elle en est assez rapprochée pour y posséder un véritable port par la ville des Ponts-de-Cé ; de plus elle est située en aval de l'endroit où se réunissent les trois rivières navigables du Loir, de la Sarthe et de la Mayenne, celle-ci unie elle-même à l'Oudon, autre cours d'eau portant bateau (1). Angers est le point d'attache naturel des routes qui se dirigent de la vallée de la Loire vers le golfe de Saint-Malo et la basse Normandie ; en outre, diverses formations géologiques se rencontrent précisément à Angers, augmentant ainsi la variété des produits et mettant en contact des populations différentes les unes des autres, sinon par l'origine, du moins par le milieu. Après Nantes, le grand port de la basse Loire, Angers est la ville la plus considérable de toute la partie du bassin située en dehors du plateau Central.

L'ensemble de la cité est d'un aspect original. Une ceinture de boulevards, remplaçant les anciennes murailles, forme un pentagone presque régulier autour de la ville proprement dite, bâtie sur les deux bords de la Maine et sur une île rattachée maintenant à la rive droite : en dehors de cette enceinte, de grands faubourgs rayonnent dans toutes les directions, le long des routes. La cathédrale, le monument le plus remarquable, s'élève au centre de la ville, au bord même du plateau qui domine la rive gauche, et la noblesse bizarre de sa façade, où s'harmonisent des styles différents, est accrue par la position dominante de l'édifice : on y remarque à une grande hauteur au-dessus du porche les statues gigantesques de personnages bardés d'armures ; elles ont été restaurées par

(1) Mouvement commercial du bassin de la Maine en 1873, d'après Krantz :
Mayenne . . . . . . 59,100 tonnes.
Oudon . . . . . . 27,000 "
Sarthe . . . . . . 34,100 tonnes.
Loir . . . . . . 14,500 "

Dantan ainé ; dans la nef on admire d'admirables vitraux du douzième siècle. L'ancien château a été construit par Louis IX ; il est flanqué de dix-sept tours noirâtres de plus de 40 mètres de hauteur, reposant sur des bases de schiste en saillie, dont la masse énorme plonge en de vastes douves, sauf du côté de la Maine où le roc se dresse à pic. Plusieurs autres constructions du moyen âge, et des quartiers anciens où des maisons disloquées se penchent l'une vers l'autre, au-dessus de ruelles tortueuses à pente inégale, rappellent encore la physionomie que dut avoir autrefois la capitale de l'Anjou ; mais depuis dix ans de larges voies ont grandement transformé la ville. Angers possède les richesses artistiques de son musée et des collections diverses. Le musée David est surtout des plus intéressants, parce qu'il contient l'œuvre presque complet de David d'Angers, en maquettes originales ou en moulages, et permet ainsi d'apprécier un des artistes les plus nobles du siècle, un de ceux qui porteront à la postérité le plus haut témoignage en faveur de sa génération.

Angers, jadis ville universitaire, est toujours un centre d'études et d'instruction ; elle a plusieurs sociétés savantes et de grandes écoles, parmi lesquelles une école préparatoire de médecine et une célèbre école des arts et métiers, dont les vastes ateliers occupent l'ancienne abbaye du Ronceray, sur la rive droite de la Maine. L'activité industrielle et commerciale de la ville est aussi fort importante. Angers a des fonderies, des corderies, des filatures, surtout pour la fabrication des toiles à voiles. Elle est aussi la « Ville des Fleurs » : une de ses pépinières est la plus riche de l'ouest de la France ; ses plantes d'agrément, ses arbres fruitiers disputent le marché français aux produits de Troyes et ses caisses d'arbres sont expédiées par milliers jusqu'en Amérique ; les poires, les fraises d'Angers sont renommées ; les légumes, surtout les artichauts, les cultures par graines et semences couvrent les campagnes de Saint-Laud ; les vignobles de Saint-Barthélémy, de Rochefort, de Savennières et de Saint-Georges, notamment ceux qui produisent la « coulée » de Serrant, ont une grande réputation ; enfin dans le voisinage d'Angers sont les plus grandes ardoisières de France.

La zone de schiste fissile qui fournit l'ardoise dite d'Angers se développe vers le nord-ouest jusqu'en Bretagne ; mais c'est à l'est de la ville, principalement dans les communes d'Angers, de Saint-Barthélemy, de Trélazé, en grande partie peuplé de « perreyeurs », que la pierre est le plus estimée à cause de l'égalité de ses feuillets et de sa force de résistance. Le mode d'exploitation à l'air libre tend à disparaître ; les principales carrières sont souterraines et se poursuivent au loin par des puits et des galeries, dont quelques-unes ont jusqu'à 150 mètres de haut. On ne peut donc se rendre compte de l'importance réelle des roches enlevées, mais les grandes excavations auxquelles on travaillait dès le douzième siècle sont assez nombreuses pour que l'aspect du sol ait déjà grandement changé. Quelques-unes des carrières sont ouvertes dans le roc à 40 mètres de profondeur ; d'un côté, des gradins réguliers, montant du fond du gouffre à la surface des champs, semblent attendre une immense assemblée ; de l'autre, des éboulis paraissent avoir comblé une partie de l'antique arène, tandis qu'au-dessus de l'endroit où travaille la foule des ouvriers, la paroi de la roche reste unie, et les grandes cages des « bassicots » peuvent tantôt s'abaisser le long de la muraille pour aller prendre un chargement d'honimes et d'ardoises, tantôt monter vers le bord de l'abime, soulevées par de puissantes machines à vapeur. Çà et là s'élèvent en collines d'énormes amas de déblais et d'ardoises de rebut. Les 3000 ouvriers de Trélazé, aidés par des machines à vapeur d'une force de plus de 500 chevaux, livrent au commerce, chaque année, environ 200 millions d'ardoises, le triple de la production de 1850.

En descendant la Maine au-dessous d'Angers, on voit à gauche une jetée fort ancienne, probablement gauloise, à laquelle s'appuie un réduit de forme triangulaire ; les fouilles y ont mis à jour, de 1870 à 1874, les restes d'un vaste établissement gallo-romain du troisième ou du quatrième siècle : l'enceinte elle même a reçu le nom de « camp de César », mais il n'existe aucune preuve que le conquérant romain y ait établi ses quartiers d'hiver entre sa deuxième et sa troisième campagne (1). Le village jadis bien nommé de Bouchemaine se montre ensuite sur la rive droite de la Maine, mais le confluent s'est déplacé et le groupe de population le plus considérable est maintenant à la Pointe, en face de l'endroit où s'unissent les deux fleuves. En aval, la première ville que l'on rencontre est Chalonnes, située sur la rive gauche du fleuve, au confluent du Layon et du Louet, simple bras de la Loire. La principale industrie y est l'exploitation des mines d'anthracite. Tout près de la ville, des puits sont creusés à travers les sables de la Loire (2) : c'est même pour traverser les terrains mouvants du lit fluvial que M. Triger découvrit en 1838 l'art devenu si important pour toutes les constructions hydrauliques, d'enfoncer des tubes jusqu'à la roche solide au moyen de l'air comprimé. Chalonnes, comme plusieurs autres villes de la rive méridionale de la Loire, a quelques restes gallo-romains. On en voit aussi à Thouarcé, dans la vallée du Layon, tandis que dans la vallée de l'Aubance on remarque surtout le somptueux château de Brissac, construit au commencement du dix-septième

(1) Célestin Port, Notes manuscrites.
(2) Production des mines d'anthracite en 1873 : 57,500 tonnes ; valeur : 1,000,000 fr.

siècle. Au sud-est de Chalonnes, sur le Layon, est le Pont-Barré, où les Vendéens remportèrent en 1793 une de leurs plus grandes victoires sur les républicains. Le bourg de Champtocé, qui s'élève sur la rive droite de la Loire, près de la limite des départements, était la principale résidence du maréchal de Gilles de Retz, « la Barbe-Bleue » des traditions. C'est dans le château dont on voit encore les vastes ruines que furent trouvés les deux cents squelettes d'enfants qu'il avait tués pour composer ses philtres. En aval sur la rive opposée, est le gracieux bourg de Saint-Florent-le-Vieil ; l'église renferme le mausolée du chef vendéen Bonchamps, un des chefs-d'œuvre de David d'Angers. Le père du sculpteur était parmi les prisonniers que Bonchamps, sentant l'approche de la mort, ordonna, dit-on, d'épargner.

Saint-Florent, Cholet, Beaupréau

L'Èvre, qui se déverse dans la Loire en aval de Saint-Florent, passe à Beaupréau, qui fut autrefois un chef-lieu d'arrondissement ; mais le siège de l'administration a été transféré à Cholet, située près de la frontière du Poitou, dans une vallée tributaire de la Sèvre Nantaise. Cholet, placée comme Beaupréau au centre de la région où se heurtèrent le plus violemment républicains et royalistes pendant la guerre vendéenne, fut plusieurs fois dévastée. Mais quand la paix fut rendue au pays et que les tisseurs encore vivants eurent repris leur industrie, la ville se développa rapidement, et de nos jours elle est un des grands centres manufacturiers de la France. On y tisse des mouchoirs, des batistes, des flanelles, des couvertures de laine. La ville entière est un grand atelier, de même que Chemillé et Beaupréau, près duquel un couvent de trappistes est entouré des plus belles cultures. Tous les villages environnants forment, pour ainsi dire, une grande manufacture dépendant de la fabrique de Cholet et viennent s'alimenter de matières premières dans ses entrepôts (1). En outre Cholet est l'un des principaux marchés de bestiaux : c'est à ses foires que sont vendus les bœufs, les moutons, les porcs d'une grande partie des marchés de l'Ouest ; ces animaux sont engraissés dans les campagnes des alentours, puis expédiés aux abattoirs de Paris (2).

L'arrondissement de Segré, au nord-ouest d'Angers, n'a point de centres industriels ni de villes populeuses; son chef-lieu, situé sur l'Oudon, à l'endroit où cette rivière devient navigable, n'est qu'un simple bourg, que trois chemins de fer vont bientôt transformer. Sur quelques-uns des grands domaines de l'arrondissement s'élèvent de magnifiques châteaux modernes (3).

(1) Valeur des toiles et des mouchoirs tissés à Cholet en 1869 : 13,000,000 fr.
(2) Valeur des animaux domestiques dans le Maine-et-Loire en 1862 : 108,200,000 fr.
(3) Communes les plus importantes du Maine-et-Loire en 1872.
Angers . . . . . . 58,450 hab.
Cholet . . . . . . 13,550 "
Saumur . . . . . . 12,550 "
Chalonnes-sur-Loire . . . . . . 5,850 "
Beaufort-en-Vallée . . . . . . 5,150 "
Trélazé . . . . . . 4,600 hab.
Chemillé . . . . . . 4,3450 "
Longué . . . . . . 4,250 "
Beaupréau . . . . . . 3,750 "
Segré . . . . . . 2,950 " »

Presse écrite

La presse écrite se développe en France au XIXe siècle, que ce soit au niveau national ou niveau local. La loi du 29 juillet 1881 lui donne la liberté de presse et la liberté d'expression (loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, journal officiel du 30 juillet 1881 page 4201).

En Maine-et-Loire, plusieurs journaux voient le jour durant cette période :

Notes

Sur le même sujet

Le Maine-et-Loire par O. Leclerc-Thoüin, 1843.
Indicateur de Maine-et-Loire de P.-A. Millet de la Turtaudière, 1861.
Dictionnaire Célestin Port, tome 1, page XLVI, 1874-1878.
Notice sur Segré de E. Milon, 1889.

Sources et annotations

  1. Victor Levasseur, Département de Maine-et-Loire, dans Atlas national illustré des 86 départements et des possessions de la France, Impr. Lemercier et impr. Dupuich (Paris), 1852 (lire).
  2. a et b En 1852, les cinq arrondissements de l'époque sont Angers, Segré, Baugé, Saumur et Beaupréau (déplacé en 1857 à Cholet).
  3. En 1852, Victor Levasseur énumère 5 arrondissements, 34 cantons et 373 communes. En 1861, P.-A. Millet de la Turtaudière indique 5 arrondissements, 34 cantons et 376 communes (voir). En 1889, E. Milon indique 5 arrondissements, 34 cantons et 381 communes (voir).
    Pour l'évolution du nombre de communes, voir le répertoire.
  4. Jules Michelet, Le Poitou - L'Anjou dans Tableau de la France : Géographie physique, politique et morale, Édition A. Lacroix et Cie (Paris), 1875, p. 15-17 (lire).
  5. Jules Verne, Maine-et-Loire, dans Géographie illustrée de la France et de ses colonies, Édition J. Hetzel (Paris), 1876, p. 394-395 (lire).
  6. Élisée Reclus, le Maine-et-Loire dans Nouvelle géographie universelle la terre et les hommes : La France, Librairie Hachette et Cie (Paris), 1877, p. 575-583