Défense et illustration de la langue française
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Livre. La Deffence, et illustration de la langue francoyse, par I. D. B. A. (Joachim Du Bellay, 1522-1560), Imprimé à Paris pour Arnoul L'Angelier, tenant sa Bouticque au second pillier de la grand' sale du Palays, 1549. Défense et illustration de la langue française, français moyen (notice BnF). L'auteur exprime ses idées sur la langue française et la pratique poétique, qu'il partage ensuite avec un groupe d'amis, qui constitueront le groupe de la Pléiade. Son texte deviendra le manifeste de la nouvelle école littéraire.
« Si la Nature (dont quelque personnage de grande renommée non sans raison a douté, si on la devait appeler mère ou marâtre) eût donné aux hommes un commun vouloir et consentement, outre les innumérables commodités qui en fussent procédées, l’inconstance humaine n’eût eu besoin de se forger tant de manières de parler. Laquelle diversité et confusion se peut à bon droit appeler la tour de Babel. Donc les langues ne sont nées d’elles-mêmes en façon d’herbes, racines et arbres, les unes infirmes et débiles en leurs espèces, les autres saines et robustes, et plus aptes à porter le faix des conceptions humaines : mais toute leur vertu est née au monde du vouloir et arbitre des mortels. Cela (ce me semble) est une grande raison pourquoi on ne doit ainsi louer une langue et blâmer l’autre : vu qu’elles viennent toutes d’une même source et origine, c’est la fantaisie des hommes, et ont été formées d’un même jugement, à une même fin : c’est pour signifier entre nous les conceptions et intelligences de l’esprit. Il est vrai que, par succession de temps, les unes, pour avoir été plus curieusement réglées, sont devenues plus riches que les autres ; mais cela ne se doit attribuer à la félicité desdites langues, mais au seul artifice et industrie des hommes. Ainsi donc toutes les choses que la nature a créées, tous les arts et sciences, en toutes les quatre parties du monde, sont chacune endroit soi une même chose ; mais, pour ce que les hommes sont de divers vouloir, ils en parlent et écrivent diversement. A ce propos je ne puis assez blâmer la sotte arrogance et témérité d’aucuns de notre nation, qui, n’étant rien moins que Grecs ou Latins, déprisent et rejettent d’un sourcil plus que stoïque toutes choses écrites en français, et ne me puis assez émerveiller de l’étrange opinion d’aucuns savants, qui pensent que notre vulgaire soit incapable de toutes bonnes lettres et érudition, comme si une invention, pour le langage seulement, devait être jugée bonne ou mauvaise. A ceux-là je n’ai entrepris de satisfaire. A ceux-ci je veux bien, s’il m’est possible, faire changer d’opinion par quelques raisons que brièvement j’espère déduire, non que je me sente plus clairvoyant en cela, ou autres choses qu’ils ne sont, mais pour ce que l’affection qu’ils portent aux langues étrangères ne permet qu’ils veuillent faire sain et entier jugement de leur vulgaire … »
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