Joseph Wresinski
Prêtre catholique angevin, Joseph Wresinski est le fondateur du mouvement ATD Quart-Monde au milieu du XXe siècle. Ce mouvement a pris depuis une ampleur internationale.
Son père est polonais, avec un passeport allemand, et sa mère espagnole. En pleine guerre, c'est dans un camp d'internement pour les étrangers suspects qu'il voit le jour le 12 février 1917 à Angers (Maine-et-Loire), derrière les murs de l'ancienne abbaye Saint-Serge adaptée aux besoins de la rétention administrative du moment.
Il grandit ensuite en famille, dans une forge désaffectée au 14 rue Saint-Jacques, en aidant dès son plus jeune âge à subvenir aux besoins familiaux, servant la messe au couvent voisin du Bon-Pasteur, gardant les chèvres. L'expérience de la précarité, il l'a faite tôt dans la vie, auprès d'une mère seule, traitée en indigente, qui peinera à nourrir son monde.
L'adolescence le voit commencer un apprentissage de boulanger-pâtissier, fréquenter quelques temps les Jeunesses communistes, puis se rapprocher de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne (JOC), où il touche du doigt les déplorables conditions d'existence des jeunes travailleurs. Il entre au petit séminaire de Beaupréau à 17 ans. Il sera ordonné prêtre à sa sortie du Grand séminaire de Soissons en juin 1946.
En 1956 il exerce donc depuis dix ans dans des paroisses de l'Est quand son évêque lui demande de prendre en charge une cité d'urgence Emmaüs pareille à un bidonville de sans-logis, en région parisienne, à Noisy-le-Grand.
Selon ses propres mots, il y « entre dans le malheur », réalisant qu'apporter un secours matériel et religieux n'est pas du tout suffisant. Encore plus que de pain et de toit les 252 familles qui pataugent sur le terrain vague autour de lui ont d'abord besoin d'exister, d'être reconnues pour ce qu'elles sont, d'accéder à la dignité à laquelle elles ont droit. Le père Joseph essaie de les convaincre de la richesse de leur expérience et du caractère unique de leur pensée, et d'amener ces exclus à en parler, ce qu'eux seuls d'après lui peuvent faire correctement.
Avec eux il crée jardin d'enfants, bibliothèque, chapelle, atelier, laverie, salon d'esthétique pour les femmes ... « Ce n'est pas tellement de nourriture, de vêtements qu'avaient besoin tous ces gens, mais de dignité, de ne plus dépendre du bon vouloir des autres. »
Et enfin une association voit le jour en 1957, qui deviendra « Aide à toute détresse » (ATD). Une certitude anime Joseph Wresinski : « La misère est l'œuvre des hommes, seuls les hommes peuvent la détruire. » Ce sera la finalité première du Mouvement ATD Quart-Monde : s'unir pour détruire la misère.
En 1958, Geneviève de Gaulle Anthonioz, nièce du Général, résistante et déportée, qui assiste son époux alors membre du cabinet du ministre André Malraux, rencontre le Père Joseph et revoit dans les souffrances qu'elle découvre autour de lui les siennes et celles des autres déportés : elle décide de s'engager avec lui dans ATD, dont elle sera présidente de la branche française de 1964 à 1998.
À partir de 1979, Joseph Wresinski est membre du Conseil économique et social, où il rédige un rapport intitulé « Grande pauvreté et précarité économique et sociale » (1987) qui aura des répercussions non seulement nationales mais européennes et mondiales. C'est ce rapport qui dénonce la misère comme une violation des droits de l'homme. Et il y est proclamé qu'il n'est pas possible de supprimer la grande pauvreté sans y associer d'emblée les plus pauvres. La grande originalité du père Joseph.
Et le 17 octobre 1987, sur ce parvis du Trocadéro à Paris où fut signée la Déclaration universelle des droits de l'homme, plus de 100 000 personnes expriment autour de lui la nécessité de s'unir pour faire respecter ces droits. À cette occasion, une dalle a été gravée ; on peut désormais y lire son appel devenu célèbre : « Là où des hommes sont condamnés à vivre dans la misère, les droits de l'homme sont violés. S'unir pour les faire respecter est un devoir sacré ». Ce rassemblement a aussi institué le 17 octobre, Journée mondiale du Refus de la misère, officiellement reconnue en 1992 par l'ONU.
Les années 1980 sont aussi celles d'initiatives et expériences locales où ATD joue un grand rôle, notamment à Rennes, et qui amèneront le gouvernement Rocard a créer le revenu minimum d'insertion (RMI) en 1988.
Joseph Wresinski décède à Suresnes le 14 février 1988, et est inhumé dans la chapelle Notre-Dame-de-tout-le-monde du Centre international d'ATD Quart-monde à Méry-sur-Oise. À la mort du père Joseph, Geneviève de Gaulle sera nommée à son tour en 1988 au Conseil économique et social, se battant pendant dix ans pour l'adoption d'une Loi d'orientation contre la grande pauvreté, qui sera finalement votée en 1998.
La tradition d'expérimentation locale avec les intéressés reste après la mort de Wresinski la culture d'ATD Quart-Monde avec par exemple les initiatives autour de l'Aide à la complémentaire santé (ACS) ou le projet Territoires zéro chômeur de longue durée (TZC) porté au niveau national par l'angevin Patrick Valentin.
En février 2017, plusieurs manifestations sont organisées à Angers dans le cadre du centenaire de Joseph Wresinski[1].
L'UNESCO inscrit le 18 mai 2023 au registre Mémoire du monde les archives du mouvement international ATD-Quart Monde conservées au Centre de mémoire et recherche Joseph-Wresinski en France et à la Cour aux 100 métiers au Burkina Faso[2].
Notes
Bibliographie
- • Thierry Monfils, Le père Joseph Wresinski, fondateur d'ATD Quart-monde, Sacerdoce et amour des pauvres, coll. Présences, Culture et Vérité (Namur), 1994, 262 pages
- • Jean-Claude Caillaux, Joseph Wresinski : un défi pour la dignité de tous, coll. Témoins d'humanité, Éditions Desclée de Brouwer (Paris), 1999, 154 pages
- • Jean Lecuit, Jésus misérable : introduction à la christologie du père Joseph Wresinski, Desclée (Paris), 2006, 139 pages
- • Jean-Claude Caillaux, Petite vie de Joseph Wresinski, Éditions Desclée de Brouwer (Paris), 2007, 154 pages (réédition du livre Joseph Wresinski : un défi pour la dignité de tous)
- • Georges-Paul Cuny, L'homme qui déclara la guerre à la misère, préface de Michel Rocard, Albin Michel (Paris), 2014, 278 pages
Sur le même sujet
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Sources et annotations