La maison d'Adam vue par un alchimiste

De Wiki-Anjou
Photographie de la Maison d'Adam.
La Maison d'Adam

« La maison d'Adam de la place Sainte Croix à Angers est la plus belle de nos quarante six maisons à colombages.

Les Angevins l'aiment bien, les touristes la photographient, mais la curiosité des uns et des autres n'est jamais assouvie, car les guides et dépliants qui présentent les monuments et belles demeures de notre ville restent très discrets sur ce magnifique témoin du temps exubérant et avide de la Renaissance.

Construite au début du XVIe siècle par un bourgeois riche et éclairé, la maison d'Adam, ainsi nommée parce que les statues de bois d'Adam et Eve (« plus que nus » dit Célestin Port) ornaient jadis le poteau Cornier à l'angle de ses deux belles façades, est en effet couverte de statuettes ou de motifs qui sont des symboles profanes, bibliques, ou alchimiques, dont le mélange semble aujourd'hui ésotérique.

Ce désordre thématique est certainement voulu car il représente parfaitement l'esprit de la Renaissance, période à la fois déconcertée et fascinée par le changement, ouverte au savoir, à l'humanisme, mais aussi à la critique, et surtout, nourrie d'allégorie et de symboles.

Ces derniers sont en majorité alchimiques et traduisent l'effort de connaissance et d'amé­lioration de soi-même à travers l'image frappante mais dépassée de la transformation par des tâtonnements expérimentaux successifs, d'un métal vil en or ! C'est la fameuse transmutation.

Cela explique pourquoi les alchimistes de notre temps viennent au cours de leurs congrès plusieurs fois tenus au Plessis Bourré, autre demeure alchimique, interroger le pélican, le couple d'a­moureux ou la petite sirène de notre maison d'Adam.

Ce pélican est l'une des figurations de « la pierre philosophale », elle-même définie comme « pou­dre transparente rouge vif » ou pierre obtenue à la suite des trois opérations du « grand œuvre » (œuvre au noir. au blanc. au rouge — cf. Margue­rite Yourcenar).

Obtenir cette « pierre des sages » signifie pour l'alchimiste réaliser l'union mystique avec la na­ture, l'union de la terre avec le ciel. Pour les chrétiens — en cela proches des alchimistes — c'est le Christ, c'est à dire le pélican : Rappelons nous Musset et son pélican « lassé d'un long voyage » qui se « donne en nourriture à ses petits ».

Le couple d'amoureux (façade Sainte Croix) est le symbole de l'union des deux principes nécessaires à la réalisation du "grand œuvre". Remarquons que le dessin des bras et jambes de ce couple se retrouve dans le langage ésotérique des signes.

Quant à la petite sirène, elle voit dans son miroir — et les alchimistes avec elle — toute la nature à découvert.

Placée là haut, sous la chaude lumière du couchant, par le sculpteur Mainponte, en 1953, (avec la complicité de Henri Enguehard, architecte des monuments historiques), elle était déjà vir­tuellement présente parmi toutes ces figurations symboliques ou allégoriques, telles la musette qui imite le chant des oiseaux compris par les alchi­mistes, le centaure, être monstrueux qui réalise la dépendance de ses deux natures, ou l'arbre de la connaissance dont les fruits donnent l'Immor­talité.

Amis, si vous devenez alchimistes des temps modernes attendez vous à réaliser votre propre transmutation transcendantale. Vous serez d'ail­leurs en bonne compagnie : Newton - Goethe ­Gutenberg - Paracelse - St Thomas d'Aquin - Ro­dolphe Il de Habsbourg - Anatole France ... et la petite sirène ! »

Notes

Texte de Pierre Dabin, Bulletin mensuel r+c, inséré par M_Ardouin en octobre 2012.

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