Croyances et superstitions en Anjou (D-L)

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Langue et littérature angevine
Document   Croyances et superstitions en Anjou
Auteur   Anatole-Joseph Verrier et René Onillon
Année d'édition   1908
Éditeur   Germain et G. Grassin (Angers)
Note(s)   Croyances et superstitions en Anjou (D-L)
Extrait du Glossaire étymologique et historique des parlers et patois de l'Anjou


Le lendemain, les initiés lui demandent s'il a pris la darue. V. Zigzag. Supplément, 3.

Démangeaisons. — Si l'on a des démangeaisons à l'anus, c'est que l'on va manger de la bonne soupe. (On ne peut pas rappeler ici le proverbe : L'eau en vient à la bouche.)

Dents. — Une patte de taupe enfermée dans un sachet et suspendue au cou d'un enfant constitue une amulette souveraine contre les douleurs de la première dentition. — V. Mentir, ci-dessous.

— Il est très dangereux de se faire arracher la dent elliou (les II mouillés — la canine supérieure, située sous l'œil) : la racine pourrait crever l'œil.

— Il ne faut pas jeter au feu une dent arrachée, il en résulterait une rage de dents terrible. — Il ne faut pas non plus la jeter au dehors : un chien la pourrait manger, et à la place, il repousserait une dent de chien (canine).

— Mal de dents. — V. Biger, au Gloss.

Dormir. — Manger une patte de poule fait dormir.

Drap de lit. — Lorsqu'un moribond rattire sans cesse le drap de son lit d'un mouvement machinal, c'est signe que la mort est proche.

Eclipse de soleil. — « En la présente année 1764, il est arrivé une éclipse annulaire ou totale du soleil, entre 10 et 11 heures de la matinée, premier jour d'avril, quatrième dimanche de caresme. Cette éclypse a été annoncée avec tant d'emphase et d'impression outrées que, sur un avis inséré dans la « Gazette de France » du 19 mars 1764, no23, page 92, 2e colonne, à la fin de l'article de Paris, et donné à tous les curés des villes et de la campagne d'avancer l'heure de l'office du matin accause de la frayeur ou de la curiosité que pouvoit exciter parmi le peuple cette éclipse, ce changement a été annoncé dans tout le diocèse. La cathédrale en ayant donné l'exemple et n'ayant fait la procession générale qu'autour du cloître, toutes les églises ont avancé leur office. Ici, à Blaison, la première messe a été dite à 5 heures et demie. Le Chapitre a dit, hier, matines et laudes à 4 heures après midy, a dit prime et tierce aujourd'hui, à 6 heures, et la grande messe ensuite ; la messe de paroisse a été dite à 8 heures. Après tout cet appareil, l'éclipsé est arrivée en effet ; il pleuvoit, le temps étoit tout couvert ; au moment de l'éclypse, le temps étoit plus sombre, mais, en quelque endroit de l'église qu'on auroit pu estre, on y auroit lu aisément. Rien de surprenant dans les prétendues ténèbres, qui dans un temps d'orage sont souvent plus fortes. Le peuple s'est mocqué avec raison de l'annonce et des précautions prises. Un pareil événement ne sauroit estre frappant que lorsqu'il n'y a pas de nuages ; car, malgré le temps couvert, il ne faisait pas plus nuit qu'un quart d'heure après le coucher du soleil. » (Inv. Arch., II, E, S. p. 257, 2.)

Ecorchure. — Excoriation. — Quand un malade est resté trop longtemps alité, il faut mettre sous son lit un plat d'étain rempli d'eau.

Eguerre. — V. Gloss.

Enclavelée (cf. mouillé). — Au Longeron, de même qu'à Montjean et à Saint-Paul, on croit que le loup, à certaines époques, est incapable d'ouvrir la gueule ; il est enclavelé. On explique ce phénomène — contestable — par le fait que, les crocs du loup étant très recourbés, ils s'engagent les uns dans les autres lorsque l'animal a le malheur de fromer sa gueule à jus. — Cf. Gueule lissée, bâillonnée.

Enfantin. — V. Gloss. — Il ne faut pas l'enlever.

Enfants posthumes. — Ils ont, naturellement le don de faire disparaître, par attouchement ou insufflation, les dartres, loupes et verrues, et, à Saint-Paul, de guérir les humeurs froides. — V. Conjureux.

Epine. — Mauvaise épine. Les piqûres de certaines épines sont particulièrement dangereuses et difficiles à guérir. C'est qu'il y avait un velin (reptile) au pied de l'arbrisseau auquel on s'est piqué. — Cette croyance a cours au Longeron comme à Montjean. — V. Gloss.

Erne. — V. Gloss.

Eronces (Ronces). — Pour les détruire, il faut les couper le jour de la Saint-Jean. (Machelles, Z. 206.) Cf. Chardons, ci-dessus.

Fausset. — V. Gloss.

Fersaie. — « Elles ne pouvaient supporter la nuit le cri de la chouette ou de la foerzaie. Elles réveillaient leur mari et le forçaient à aller chasser les oiseaux, souvent à coups de fusil. Elles en éprouvaient un véritable effroi qui les rendait malades. — De même, un chien qui hurle longuement appelle à la mort. »

Feu. — Il n'y a que les méchants qui sachent bien faire le feu.

— Lorsque le feu prend à la suie qui est attachée au cul de la marmite ou du chaudron, c'est signe de pluie.

— Lorsque le feu buffe, ou souffle, c.-à-d. lorsqu'un long jet de gaz s'échappe d'une bûche et flambe en ronflant, c'est signe de vent.

— S'il roule un tison dans la cheminée, on est en chemin pour venir vous voir. (Lrm.)

Filer. — Il ne faut pas filer entre Noël et le 1er de l'an, cela fait boiter les bestiaux (!!!). — Long. (N. — Au Lg., on ne connaît pas les Agets.)

Fleur de sugue. — La fleur de sugue (sureau) est souveraine, mais il faut la serrer (cueillir) entre les deux Sacres.

Foie de loup. — Il arrive parfois que toutes les bêtes à cornes réunies sur un champ de foire sont saisies de panique et que, échappant à leurs conducteurs, brisant leurs attaches, elles se précipitent dans toutes les directions, en renversant tout sur leur passage. D'après la croyance régnante au Longeron, « cela est donné » par des gens malintentionnés. Pour obtenir ce résultat, ils répandent sur le champ de foire du foie de loup, desséché on rôti, mis en poudre, dont l'odeur suffît à effouanter les bestiaux.

Foiré. — Si Ton rencontre un étron, il suffît d'y implanter une allumette enflammée pour donner la chiasse à celui qui a posé cette sentinelle. Juste punition du coupable. (Lg.),

Fontaine (d'Avort). Commune de Gennes. — « . . . Cette fontaine a des qualités extraordinaires ; les effets qu'elle produit en certaines circonstances sur les hommes, sur les animaux, et particulièrement sur la classe des volatiles, sont très funestes. C'est une vérité reconnue par une expérience qui n'a point été démentie que les œufs des oies, des canards et des poules qui se baignent dans cette fontaine, ou ne sont pas féconds, ou donnent des oisons de petits canards et des poulets d'une forme constamment bizarre et monstrueuse ; les uns éclosent ayant le bec de travers, les autres naissent avec des ailes renversées ; ceux-ci ont le cou disloqué, ceux-là ont les cuisses retournées, ou même les pattes placées sur le dos. Tous, enfin, ont un ou plusieurs membres défectueux ou contrefaits. — On défricha, il y a quelques années, des terrains arrosés ou quelquefois humectés par les eaux de cette fontaine, surtout dans l'espace d'un quart de lieue, à partir de sa source. On remarqua que les hommes employés à ce travail devenaient chauves ; les ongles de leurs pieds et de leurs mains tombèrent presque aussitôt. Les mulets, les bœufs qui labourèrent cette terre perdirent de même la corne de leurs pieds. A mesure que la culture de ces terrains a été répétée et perfectionnée, ces tristes accidents ont insensiblement diminué ; ils sont aujourd'hui très rares. — Le pain fait avec la farine du froment recueilli sur les terrains qui bordent le cours de cette fontaine altérait insensiblement les facultés de ceux qui en mangeaient, affaiblissait leurs forces naturelles au point de les réduire à un état d'impuissance absolu. Aujourd'hui même, on ne se nourrirait pas de ce blé sans mélange sans qu'on éprouvât plus ou moins souvent ces accidents dangereux. — Les grenouilles qui vivent dans cette fontaine et le long du ruisseau ne croassent jamais dans aucune saison ; elles ont, néanmoins, la même organisation et la même forme extérieure des autres grenouilles aquatiques. » (M. l'abbé Pichon, historiographe de « Monsieur », publia, en 1777, ces renseignements curieux. Il donne pour assurance de ces faits le témoignage unanime du marquis De Jorcan, de plusieurs gentilshommes du pays et du meunier Louis Reverdy. — Le docteur Tessié Du Clozeau, des Rosiers, parle également de ces phénomènes dans le Journal de physique (tome XXXVII, 81-95). En 1827, Boreau fit encore une étude sur ce sujet, publiée dans les Mémoires de la Société d' Agriculture, Sciences et Arts d'Angers. Aujourd'hui, la source d'Avort sert de lavoir public, au grand contentement des habitants et de leurs canards.) — Anj. hist., 5e an., no 1, juillet 1904, p. 53, sqq.

Forbir la marmite. — V. Gloss.

Foudre. — Pour se garantir de la foudre, on a soin d'avoir sur les toits une touffe de joubarbe, que l'on appelle Herbe au tonnerre ou Herbe à la tonnerre.

A Saint-Augustin, on met dans le feu des morceaux de la bûche de Nau. — A Mj., et au Lg., on fait brûler des brindilles de rameau bénit. Ou bien, au Lg., on égourne et on jette dans le feu des miettes de pain bénit de la messe de ménet.

Au Lg., les brandeaux (rameaux) bénits sont suspendus au plancher. Lorsque le « tonnerre » gronde, on en jette quelques brindilles dans le feu pour détourner la foudre.

Fribolère. — V. au Gloss.

Gâche. Galette. — On ne doit pas couper de la gâche avant que le pain soit cuit ; on la casse ou déchire avec les doigts, sinon le pain serait soulevé.

Garçon (septième). — A Tlm., comme au Lg. et à Mj., le septième garçon né d'une même mère est réputé avoir un don. Il ne s'agit nullement d'une allocation gouvernementale, mais d'un pouvoir mystérieux, d'ailleurs mal défini, consistant à guérir, par le seul attouchement, certaines affections, telles que les dartres, les verrues, les vartaupes, etc. — L'emblème de ce pouvoir est une fleur de lys que l'afflau privilégié porte sur le corps. A Mj., ce signe est sous la langue et l'on peut y aller voir ; au Lg., il réside sur un bras, mais on ne dit pas lequel. On n'attribue aucune importance à l'interposition d'une ou plusieurs filles dans la série des enfants mâles. (Cf. Jaubert, à Marcoul.)

Geai. — Le geai est sujet à tomber du mal caduc. (Lg.) — Il faut que le geai verse une goutte de sang dans la Semaine Sainte, sinon il meurt dans l'année. (Lg.)

Genêt-renis. (Genêt des teinturiers). — On s'en sert pour enfumer les étables, afin de les désinfecter.

Grandir. — Quand on a des craîts ou reculons (envies à la base des ongles), c'est signe que l'on grandit encore. (Mj.)

A celui qui reste debout, on dit qu'il a encore envie de grandir. (Mj.)

Si l'on a le loquet (hoquet), c'est que l'on grandit. (Lg.)

A un petit enfant, on passe la jambe par dessus la tête en lui disant : Tu ne grandiras pus. (Mj.)

Groiselles (chant des). — V. Gloss., à Groseille.

Guigne. — Pour faire cesser une guigne persistante, il arrive souvent qu'un joueur se lève tout à coup et fait le tour de sa chaise avant de se rasseoir. D'aucuns s'en vont lâcher un filet au dehors pour mettre fin à la déveine. Cela s'appelle : aller pisser son malheur.

Gueule lissée. — V. Gloss.

Herbe qui perd ; au pivart ; aux sourciers ; à la tonnerre. V. Gloss.

Jaloux. — Quand les sourcils n'ont point de séparée aux usses (se rejoignent), c'est que l'individu a de la jalousie. (Lg.) — A Mj., les jaloux ont les cheveux creux.

Jarretier. — Quand une jeune fille perd son jartier, c'est que son galant pense en elle.

Jau (chant du). — V. Gloss.

Lait bodé (Colostrum). — Dès qu'on a trait une vache pour la première fois après le part, on prend du lait bodé avec la main et on en mouille la croupe de la bête pour la faire émerer. Quelques-uns, pour plus d'efficacité, pratiquent cette onction en forme de croix. (Lg.)

Lantarnier. — Feu follet. V. Gloss.

Laveuses de nuit. — Je n'ai trouvé qu'au Lg. la croyance aux laveuses de nuit, mais elle y a été, naguère, des plus enracinées.

Deux points au moins des environs passaient pour être hantés par ces apparitions fantastiques : 1e le pont du Vergnon, ou plutôt le point où il se trouve, vallon sinistre où coule un ruisseau qui formait, jadis, la limite de la partie du Lg. située au-delà de la Sèvre et où se trouve maintenant la bifurcation de la route de Saint-Aubin-des-Ormeaux à Tiffauges et de la route de la Petite-Auberge ; 2e le pont Larousse, ponceau qui traverse un ruisselet sur le vieux chemin partant du Lg. et allant par les Garrières et Saint-Christophe à Cholet. II est situé entre ces deux derniers points.

Voici quelques histoires qui avaient cours à ce sujet :

Il y a soixante ou quatre-vingts ans, un nommé Couturier, du Lg., revenait en pleine nuit de Tiffauges avec sa charrette. Il suivait le vieux chemin qu'a remplacé la route actuelle et, en arrivant au bas de la côte escarpée qui venait au gué du Vergnon — le pont n'était pas alors construit — il aperçut une femme très occupée à laver au bord du ruisseau. Les bœufs, effrayés, refusaient d'avancer ; mais, sous les coups d'aiguillon, ils s'élancèrent au galop et renversèrent la femme, qui fut écrasée par les roues. Une fois passé, Couturier se retourna : la laveuse de nuit, impassible, tapait sur son linge comme devant.

Mais ces êtres fantastiques n'étaient pas toujours d'aussi bonne composition. Vers la même époque, un père Daviau et deux de ses copains du Lg. s'en étaient allés faire à l'airgné jusqu'au-delà de Saint-Christophe, ce qui prouve que, s'ils avaient peur




Extrait de l'ouvrage de A.-J. Verrier et R. Onillon, Glossaire étymologique et historique des patois et des parlers de l'Anjou : comprenant le glossaire proprement dit des dialogues, contes, récits et nouvelles en patois, le folklore de la province, Germain & Grassin (Angers), 1908, tome second — Troisième partie : Folk-Lore, III Croyances — Superstitions — Préjugés, pages 444 et 445, Darue à Laveuses de nuit. Publication en deux volumes.

Croyances et superstitions de Verrier et Onillon :

Croyances et superstitions en Anjou (A-C).
Croyances et superstitions en Anjou (C-D).
• Croyances et superstitions en Anjou (D-L).
Croyances et superstitions en Anjou (L-P).
Croyances et superstitions en Anjou (P-R).
Croyances et superstitions en Anjou (R-V).
Croyances et superstitions en Anjou (V-V).


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