Égâiller
En Anjou
- égâiller
Mot
Verbe.
En Anjou (Mj, Sal, By, La), égâiller (ou égailler), pour répandre, éparpiller, disperser. Mot utilisé dans le langage des départements de l'Ouest (égailler, disperser).
Exemple : « Va égâiller la paille dans l'étable. »
Égaillé au participe passé.
Forme pronominale : s'égâiller (se disperser).
Expressions
Égailler le grain, le fumier, dans le sens de diviser.
Égailler le linge, étaler le linge pour le faire sécher (on égaille le linge).
À l'égaillée, en désordre.
Aller à l'égaillée, aller satisfaire un besoin naturel dans la nature.
I s'est égaillé par terre, lors d'une chute aussi brutale que spectaculaire.
Glossaire V. et O.
Dans le glossaire de Verrier et Onillon : « Égailler (é-gâil-ler). — (Mj., Sal., By.), v. a. — Disséminer, éparpiller, disperser. Ex. : Egaillez-vous, les gars. — Ce commandement des chefs vendéens, que l'histoire a recueilli, a rendu fameux notre v. Egâiller. Il résume une tactique heureuse et intelligente dont usèrent maintes fois les Chouans pour se soustraire aux feux de peloton ou à la canonnade des Bleus. \\ Ec. Egâillez-vous, les gars des Echaubrognes. \\ Lg. — Biner avec la houe à cheval. Syn. de Trimbaler. \\ Etendre. — Egailler la buée, — étendre le linge de la lessive. \\ A l'égâillée (Lué), en désordre. \\ Se mouiller de rosée (Th.). Tu vas t'égailler. \\ Li., Br. — Bg. — Mêmes sens.
Et. — C'est se répandre comme l'égail, l'aiguail (de aqua. — V. Eau). — Hist. « Rapport de Colbert, Archives d'Anjou, p. 111 : « Un rejet de 120.000 livres, qui serait égaillé sur toutes les élections. » — « Composition arrestée à 700 livres qui ont été motié par motié égaillées sur les collectes ès années 1701 et 1702 » (1696 ? Inv. Arch., E, II, p. 397, col. 2.) — « Roolle et égail fait sur le général des paroissiens, manants et habitants de Chazé-Henri, pour l'année 1735, de la somme de 2.000 livres du principal de la taille, taillon... » (1735. — Id., G, II, p. 253, col. 2.) — « Taux et égail de l'impôt du sel en la paroisse de Coutures, pour l'année 1695. (îbid., E, II, p. 10, col. 1. — Egail = répartement.) — D. C. Gajardus. \\ « Le jour où le Saint Esprit s'est égaillé sus' l's apôtres, tu n'y étais point, mon pauv' gas. » (De Mont.) — « Ainsi troussée, la bande s'égailla dans la vallée. » (Hist. du vx tps, 270, et N.) \\ V'ià l'soleil qui s'montre, faut aller égailler le foin. — Egay'-vous, les gas (disait Jean Chouan à ses hommes), pas de bulot. V. Hugo, dans 93, commet une amusante erreur sur le sens de ce mot. (Dott.) — « Tous deux (Cathelineau et Perdriau), après avoir placé leurs trois prisonniers au premier rang pour les (?) protéger, s'avancent vers le feu des coulevrines ; ils égaillent leurs hommes dans les jardins qui bordent la petite rivière. » (Deniau, I, 269.) — « Entre tout, un ormeau qui devant lui se panche, Et s'égaille ombrageux de mainte verte branche. » (Baif. — L. C.)
La forme et l'étymol. se refusent à l'explicat. du Dr A. Bos, que je cite souvent : Egailler, Egaliser ; étendre également, répandre uniformément. It. Eguagliare. Etvm. * Ecqualiare, d'ӕqualem, égal, v. f. ivel. — Eguer, égaliser. Cf. iver, de eqvare, pour ӕquare.
N. — Ne pas confondre avec Aiguailler, tremper du linge dans l'eau. »
Notes
- Voir aussi tancarville, égail, patouille, boésoin.
- Témoignage, Jeduno (va égailler la paille dans l'étable, aller à l'égaillée), se dit dans le Noyantais et le sud de la Sarthe.
- Charles Ménière, Glossaire angevin étymologique comparé avec différents dialectes, dans Mémoires de la Société académique de Maine-et-Loire, t. XXXVI, Lachèse et Dolbeau (Angers), 1881, p. 338 (égail, égailler)
- Charles Ménière, Établissement de l'aumône publique à l'hôpital de la Charité d'Angers, dans Revue de l'Anjou, Nouvelle série, 5e et 6e livraisons, mai et juin 1885, tome dixième, Impr.-libr. Germain et G. Grassin (Angers), 1885, p. 242
- René de La Perraudière, Le langage à Lué, dans Mémoires de la Société d'agriculture, sciences et arts d'Angers, Cinquième série - Tome VII, Germain & G. Grassin impr.-édit. (Angers), 1904, p. 141
- Anatole-Joseph Verrier et René Onillon, Glossaire étymologique et historique des parlers et patois de l'Anjou, Germain & Grassin (Angers), 1908, t. 1, p. 320 (disséminer, éparpiller, disperser)
- Pierre Rézeau et Jean-Paul Chauveau, Dictionnaire angevin et françois (1746-1748) de Gabriel-Joseph du Pineau, C. Klincksieck et Cie, 1989, p. 175
- Dominique Fournier, Mots d'galarne : dictionnaire pour bien bagouler notre patois aujourd'hui, Cheminements (Le Coudray-Macouard), 1998, p. 242 (répandre)
- Gérard Cherbonnier (dir.), Mots et expressions des patois angevins : petit dictionnaire, Éd. du Petit Pavé (Brissac-Loire-Aubance), 2002 (4e édition, 1re en 1997), p. 39
- Michel Chamard, Les guerres de Vendée, coll. Pour les nuls, First éditions (Paris), 2017, p. VI (égailler, terme angevin du XVIe siècle, signifie se disperser)
- Saumur Kiosque (dir. Georges Chabrier), Le saviez-vous ? Le vocabulaire angevin, un riche héritage, 22 novembre 2024
Dans le Dictionnaire de la langue française d'Émile Littré (t. 2, 1872-1877) : disperser dans le langage des départements de l'Ouest.