Ardoisières
En Anjou on rencontre souvent des maisons blanches en tuffeau, couvertes en ardoises. Les rues étroites de la vieille ville d'Angers, comme son château, sont couvertes de schistes ardoisiers ce qui lui a valu autrefois le surnom de ville noire.
L'exploitation ardoisière française se situait dans plusieurs départements français (Ardennes, Corrèze, Côtes d'Armor, Finistère...), et dans plusieurs communes de Maine-et-Loire comme Trélazé, Noyant-la-Gravoyère, La Pouëze et Combrée. Jusqu'au début du XXIe siècle, le gisement le plus important se trouvait sur le territoire de la ville de Trélazé.
Origine
L'Anjou est propice à la production de pierre d'ardoise. Son usage y est ancien[1]. La légende attribue les premières utilisations de l'ardoise comme matériau de couverture à l'évêque d'Angers Licinius, en 592, devenu saint Lézin, patron des ardoisiers ; légende née des professions voulant un saint patron[2],[3].
L'exploitation
![Le Tour de la France par deux enfants - Illustration de la page 241.](/images/thumb/1/14/Le_tour_de_la_france_par_deux_enfants_1904_p241_illustr2.jpg/330px-Le_tour_de_la_france_par_deux_enfants_1904_p241_illustr2.jpg)
L'ardoise est, à l'origine, utilisée comme matériau de construction, servant par exemple à la construction des fortifications du château d'Angers.
L'exploitation ardoisière se développe en France aux XIIe et XIIIe siècles, notamment dans les Ardennes à Fumay et Rimogne[4]. Aux portes d'Angers, dès les XIe[5] et XIIe siècles les ardoisières sont à ciel ouvert[6], mais l'exploitation reste embryonnaire, pour ne se développer qu'au XVe siècle[5]. À Trélazé, c'est en 1406 que débute l'extraction d'ardoises à ciel ouvert[7].
Au XVIIIe siècle, les principaux centres de production se situent à Angers, Saint-Barthélemy-d'Anjou, Trélazé, La Pouëze et Combrée[8]. Aux alentours d'Angers, on y fait mention des carrières des Carreaux (Trélazé), de la Noë (Trélazé), de Villechien (Trélazé), de la Paperie (Saint-Barthélemy), de Pigeon (Angers), du Bouillou, et de la Hacherie[1]. Jusqu'à la Révolution française, ce sont les communautés religieuses qui sont les principaux propriétaires des terrains ardoisiers[8].
Plus tard, le développement industriel permet de s'enfoncer sous terre et de pouvoir intensifier la production. C'est le début du développement de l'extraction minière.
Six carrières au début du XIXe siècle fabriquent 50 millions d'ardoises, celle d'Avrillé, trois à Saint-Barthélémy-d'Anjou et deux à Trélazé[9].
Les grands exploitants se regroupent progressivement entre 1808 et 1891, donnant notamment naissance en janvier 1891 à la principale société d'extraction (85 % de la production), la société Commission des Ardoisières d'Angers[7],[10],[5].
Dans les années 1960, la mécanisation se développe, l'évolution des techniques permettant de rationaliser le travail du schiste ardoisier[10]. Durant cette même période, la crise industrielle frappe les ardoisières[11], cédant progressivement le pas à l'ardoise espagnole[12],[13].
Entre 1983 et 1993, l'effectif de l'industrie ardoisière passe de 1 700 personnes à environ 500[14]. À cette période les exploitations souterraines peuvent aller à plus de 400 mètres[15].
Fin 2013, l'entreprise angevine Ardoisières d'Angers annonce sa fermeture, actée par le plan social de mars de l'année suivante. C'est la fin de l'exploitation ardoisière en Anjou[16].
Les ardoisiers
On appelait ceux qui descendaient dans les mines les ouvriers « d'à-bas » (ouvrier d'en bas), et les fendeurs qui travaillaient en surface, les ouvriers « d'à-haut » (ouvrier d'en haut)[17].
Les manœuvres du fond ou les travailleurs journaliers formaient un sous-prolétariat au sein de la population des ardoisières. La misère de cette population la pousse aux revendications sociales. En 1790 les prix de l'alimentation provoquent une émeute[15].
Les besoins de main d'œuvre étant importants, de nombreux Bretons affluent à Trélazé[18] entre 1850 et 1930. C'est le cas par exemple en novembre 1911, où des Concarnois viendront pour descendre dans les puits[19].
Les bretons passent de 20 % de la population trélazéenne en 1900, à 50 % en 1908[20].
À la fin du XIXe siècle, le développement de l'industrie de l'ardoise entraîne l'essor du syndicalisme et les premières grèves. Une personnalité se distinguera au début du XXe siècle, Ludovic Ménard (1855-1935), ouvrier fendeur et syndicaliste[21],[22]. En 1920, les ardoisiers sont assimilés aux mineurs[21],[22].
Les couvreurs
On ne saurait parler de l'ardoise sans également évoquer les couvreurs, qui utilisent l'ardoise pour la couverture des maisons. Métier ancien, on en trouve des traces dans la littérature en 1773, où « L'art de l'ardoisier n'a point été établi en maîtrise ; mais il n'appartient qu'aux maîtres couvreurs d'employer l'ardoise pour la couverture des maisons »[23].
Comme les mineurs, les couvreurs utilisent la grève pour obtenir des accords, tel en novembre 1911[19].
Cités ardoisières
Le quart-nord-ouest du département est le pays du fer et de l'ardoise, sur une zone qui s'étend de ses limites occidentales (Pouancé, Freigné) vers son centre au nord de la Loire (Trélazé), avec une pointe au sud du fleuve vers Juigné-sur-Loire, Chaudefonds, Saint-Lambert[24].
Il existait plusieurs centres ardoisiers : Avrillé, Châtelais, Combrée, Juigné-sur-Loire, Noyant-la-Gravoyère, Les Ponts-de-Cé, La Pouëze, Vern-d'Anjou et Trélazé en Maine-et-Loire, Congrier, Javron et Renazé en Mayenne, Grand-Auverné en Loire-Atlantique[25].
Sites ardoisiers en Anjou :
- Angrie,
- Avrillé,
- Châtelais,
- Combrée,
- L'Hôtellerie-de-Flée,
- Juigné-sur-Loire,
- Noyant-la-Gravoyère,
- Les Ponts-de-Cé,
- La Pouëze,
- Saint-Barthélemy-d'Anjou,
- Trélazé et Angers,
- Vern-d'Anjou.
Musées
L'ardoise angevine est un élément du patrimoine. Sa qualité s'est imposée comme une référence, couvrant tous les chefs-d'œuvre du Val de Loire.
En Maine-et-Loire, deux musées sont dédiés à l'ardoise :
Notes
Sur le même sujet
- • Dans le dictionnaire les mots descenderie, fendeur, fendis, quernage, reparton, rondissage, rondisseuse et autres termes.
- • Société des Ardoisières d'Angers (entreprise)
- • Le Quernon d'ardoise (confiserie)
- • Liste des musées de Maine-et-Loire
Documents
- • Dictionnaire encyclopédique du commerce - Ardoise (1789)
- • Arts et métiers mécaniques - Art de l'ardoisier (1847)
- • Visite de l'Empereur (1856)
- • Indicateur de Maine et Loire - Carrières (1864)
- • Poème sur l'inondation des ardoisières (1864)
- • Mémoires de la Société académique - Les schistes en Maine-et-Loire (1865)
- • Pétition des ouvriers fendeurs du 3 octobre 1869
- • Les ardoisières d'Angers-Trélazé (1874)
- • Carte générale des ardoisières d'Angers (1874)
- • Les ardoisières de Trélazé (1878)
- • La France de l'Ouest - Les carrières (1900)
- • Glossaire de Verrier et Onillon - Ardoisières (1908)
- • L'Anjou historique - Ardoisières (1909)
Bibliographie
- • Aimé-Étienne Blavier, Essai sur l'industrie ardoisière d'Angers, Impr. de Cosnier et Lachèse, 1863 (notice)
- • Ernest Mourin, Les Ardoisières d'Angers, Édition E. Barassé, 1864
- • Jules-César Ichon, Notice sur l'exploitation souterraine des ardoisières d'Angers, Impr. Lachèse et Dolbeau, 1890
- • Olivier Couffon, L'ardoise et l'exploitation des ardoisières en Anjou : du XVè siècle jusqu'à nos jours, Édition de l'Ouest, 1922
- • René Musset, Production, industrie, commerce de l'ardoise en France, dans Annales de Géographie, t. 46, n° 260, 1937, pp. 174-178
- • Charles Frostin, Entre l'Anjou et Saint-Domingue : de l'ardoise au café 1750-1791, Société d'histoire de la Guadeloupe, 1970
- • Furcy Soulez-Larivière, Les Ardoisières d'Angers, Édition Chambellay, 1986
- • Jean-Paul Drevet, A propos des ardoisières d'Anjou, Édition Angers J.P. Drevet, 1988
- • Patrick Taron, La Condition de l'enfant dans les ardoisières d'Angers - Trélazé au XIXème siècle, 1991
- • Romain Brossé, Mines et carrières en Anjou : cadre géologique, modalités d'exploitation, dans Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest, t. 104, n° 3, 1997, Mines, carrières et sociétés dans l'histoire de l'Ouest de la France, textes réunis par Jean-Luc Marais, pp. 11-18 (DOI 10.3406/abpo.1997.3934)
- • Jacques-Guy Petit, Marianne en Anjou : l'insurrection des ardoisiers de Trélazé (26-27 août 1855), dans Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest, t. 104, n° 3, 1997, Mines, carrières et sociétés dans l'histoire de l'Ouest de la France, textes réunis par Jean-Luc Marais, pp. 187-200 (DOI 10.3406/abpo.1997.3951)
- • Gérard Linden, Les mots des mines et carrières du Maine-et-Loire, Cheminements, 2004 (ISBN 9782844783325)
- • Julien Derouet, Paroles de mineurs d'ardoise, Cheminements, 2009 (ISBN 9782844787910)
Archives télévisées
- • Institut national de l'audiovisuel (Ina) - Office national de radiodiffusion télévision française, L'histoire de l'ardoise à Trélazé, diffusion du 11 avril 1964
- • Institut national de l'audiovisuel (Ina) - Office national de radiodiffusion télévision française Le Mans, Reportage sur les ardoisières d'Anjou, diffusion du 6 janvier 1965
Sources et annotations
- ↑ a et b L'Anjou historique, janvier-février 1909, p. 373-376
- ↑ Aimé de Soland, Bulletin historique et monumental de l'Anjou, volume 6, Imprimerie Librairie Barassé, 1860
- ↑ Furcy Soulez Larivière, Les ardoisières d'Angers, impr. Ménard-Garnier, 1986, p. 11
- ↑ Les ardoisières d'Angers de F. Soulez Larivière, op. cit., p. 11-12
- ↑ a b et c Philippe et Catherine Nédélec, L'Anjou entre Loire et tuffeau, Éditions Ouest-France, 2010
- ↑ P.Wagret J.Boussard J.Levron S. Mailliard-Bourdillon, Visages de l'Anjou, Horizons de France, 1951, p. 40
- ↑ a et b Célestin Port, Dictionnaire historique géographique et biographique de Maine-et-Loire, 1874-1878, édition révisée de 1996 par André Sarazin et Pascal Tellier, t. 4, p. 578 à 580
- ↑ a et b Ville de Trélazé, 15 siècles d'histoire, octobre 2013
- ↑ Gérard Linden, Les mots des mines et carrières du Maine-et-Loire, Éditions Cheminements, 2004, p. 34 et 25
- ↑ a et b Fresques Ina, L'histoire de l'ardoise à Trélazé, 11 avril 1964
- ↑ Ville d'Angers, Parc des Ardoisières, octobre 2013
- ↑ CA Angers Loire Métropole, Trélazé - Quinze siècles d'histoire, octobre 2013
- ↑ Philippe Cayla, Aspects de la technologie minière en Anjou, Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest, t. 104, n° 3, 1997, p. 21
- ↑ Ville de Trélazé, De la crise au renouveau, octobre 2013
- ↑ a et b Le web Ste Christine, Les ardoisières, ardoises d'Anjou [archive], mars 2010
- ↑ Ouest-France Entreprises, Les Ardoisières, c'est bien fini, 30 mars 2014
- ↑ Société d'économie sociale - Unions de la paix sociale, La Réforme sociale, Volume 39, 1900
- ↑ René Musset, Production, industrie, commerce de l'ardoise en France, Annales de Géographie, 1937, t. 46, n° 260, pp. 174-178
- ↑ a et b Le Petit Courrier, parution du 12 novembre 1911, p. 1 et 3
- ↑ C. Fauchet et N. Hugues, La ville noire, terre de migrations bretonnes : Trélazé, 1850-1914, dans les Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest, tome 104, numéro 3, 1997, p. 201
- ↑ a et b M. Dreyfus - C.Pennetier - N. Viet-Depaule, Visages du mouvement ouvrier, Éditions de l'Atelier, 1995, p. 12
- ↑ a et b Gérard Linden, Les mots des mines et carrières du Maine-et-Loire, Éditions Cheminements, 2004, p. 168
- ↑ Pierre Jaubert, Dictionnaire Raisonné Universel des Arts et Métiers, tome 1, P. FR. Didot le jeune, 1773
- ↑ Romain Brossé, Mines et carrières en Anjou : cadre géologique, modalités d'exploitation, dans les Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest, tome 104, numéro 3, 1997, Mines, carrières et sociétés dans l'histoire de l'Ouest de la France, textes réunis par Jean-Luc Marais, pp. 11-18
- ↑ Julien Derouet, Paroles de mineurs d'ardoise, Cheminements, 2009, p. 9