Chanson du jeu de boules de fort
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A mes copains du Cercle de la Paix (Ponts-de-Cé).
La Chanson du Jeu de boules de fort
Sur l'air : Il était un roi d' Yvetot
- I
- Muse, aujourd'hui fais un effort.
- Il faut chanter la Boule,
- La seule, la Boule de fort
- Qui, sinueuse, roule.
- Soutiens mon souffle un peu trop court
- Et du Parnasse à mon secours
- Accours.
- Refrain
- Oh ! oh ! oh ! oh ! Ah ! ah ! ah ! ah !
- Le roi des jeux c'est celui-là :
- Voilà !
- II
- La terre roule tout de go,
- Phryné roule carosse,
- Le rasta roule le gogo
- Et le bossu sa bosse.
- Le tambour roule, belliqueux.
- L'orage roule, furieux.
- Aux cieux.
- III
- Boston, poker, bridge et piquet
- Et manille à l'enchère,
- Whist, polo, tennis et croquet,
- A peine on vous tolère,
- Et pour nous, vrais amis de l'art.
- Tu nous parais un corbillard,
- Billard.
- IV
- Le sable, fin comme un velours
- S'unit sous le « rouable »,
- Etendant sur tout le parcours
- Un tapis admirable.
- Les deux côtés se recourbant
- Vont en deux pentes doucement
- Montant.
- V
- En bois dur, cormier, frêne ou buis
- Notre boule est ouvrée ;
- L'un' de ses faces s'aplatit.
- L'autre reste cintrée.
- Le cercle d'acier qui reluit.
- Est chaque jour au tripoli
- Poli.
- VI
- Lançons, pour nous servir de but.
- Trop loin, sans doute est un abus.
- Trop près est pis peut-être.
- « Poussez-le trois mètres de plus,
- « On pourrait pisser rasibus
- « Dessus ! »
- VII
- C'est là qu'on connaît le malin !
- Faisant sa double charge.
- Montant, descendant son chemin,
- Par le long, par le large.
- Sans heurt, la Boule, et sans cahot.
- Du Maître approche son pivot :
- Bravo !
- VIII
- De toutes les combinaisons
- Qui vous dirait la liste ?
- Pour « charger » on a ses raisons,
- Ça dépend de l'artiste.
- Se « camper » a bien ses appas ;
- Campez-vous, ou n'vous campez pas.
- D'un pas.
- IX
- Celui qui monte descendra,
- C'est affair' de jugeote ;
- N' jouez pas trop fort, on vous criera
- « A Gouis ! à r'voir, bigote ! »
- Mais en chemin si vous crevez,
- De blagues vous s'rez abreuvés.
- Gavés.
- X
- Tirez en for-haut, en fort-bas
- Sans que votre main tremble ;
- Et surtout ne mollissez pas,
- Les deux pieds joints ensemble.
- Tirez surtout bien proprement.
- L'Maître ou la boul' qui, l'étouffant,
- Défend.
- XI
- Pour éviter un' boule aussi
- Jouez la « charge morte » ;
- Quand le coup est bien réussi.
- Sur le Maître il vous porte.
- Croyez votre oncle, chers neveux
- Prenez d'abord par le milieu
- Du jeu.
- XII
- Surtout gardez-vous des erreurs.
- Ou bien on vous en . . . goule ;
- Soit approcheurs ou bien tireurs
- Regardez votre boule.
- Car mettre son « fort à l'envers »,
- Le plus souvent est un travers
- Pervers.
- XIII
- — Qui donc a fait ce coup fameux !
- Voilà qu'égaux nous sommes !
- — C'est moi, que j' dis, d'orgueil fumeux
- En latin : Ego sum (me). —
- Leprince, à joc sur ses ergots.
- Dit : J'ai compris, je somm' égaux.
- Nigaud !
- XIV
- Mais ce cri : Douze ! a retenti
- La partie est gagnée.
- Le vaincu se voit aplati
- D'une blague soignée.
- Sans doute avant la fin du jour.
- Il aura d'un juste retour.
- Son tour.
- XV
- Toujours la bonne humeur chez nous.
- Jamais de fronts moroses,
- Point de grincheux de « harguégnoux »,
- On n'y voit point de poses.
- Les propos y sont toujours gais,
- Et si l'on blague, on est blagué,
- O gué !
- XVI
- Tâchez de faire un point, surtout.
- Et que chacun y veille.
- Ou bien il faut, non sans dégoût
- « Biger le. . . cul d' la vieille ».
- Oui, vous devrez, rageant au fond.
- Dévorer, la rougeur au front.
- L'affront !
- XVII
- C'est le moment de boire un coup,
- Débouchons les bouteilles ;
- Rinçons-nous la dalle du cou
- De la liqueur vermeille.
- Sonne, joyeux, au bruit d' l'écot ;
- Et les gros sous du « Subrécot
- Echo !
Je ne puis ici noter la musique, mais les indications suivantes suffiront sans doute. Voici les notes, vers par vers : Six-huit ; si bémol.
- Do, ré do ré mi, fa fa fa
- Do, ré do ré mi, fa fa
- Do, ré do ré mi, fa fa fa
- Do, ré do ré mi, fa fa
- Fa sol la, si ré do si, la
- Do si la, sol si la sol, fa
- Fa, fa
- Fa sol la, si ré do si, la
- Do si la, sol si la sol, fa,
- Fa, fa.
N. — Les notes en italiques sont des noires ; les autres sont des croches. Les virgules séparent les mesures.
A.-J. Verrier.
La Chanson du jeu de boules de fort, chanson sur la boule de fort. Extrait de l'ouvrage de Anatole-Joseph Verrier et René Onillon, Glossaire étymologique et historique des patois et des parlers de l'Anjou : comprenant le glossaire proprement dit des dialogues, contes, récits et nouvelles en patois, le folklore de la province, Germain & Grassin (Angers), 1908, t. 2e, page 377.
Anatole-Joseph Verrier (1841-1920), professeur, journaliste et écrivain du XIXe-XXe siècle.
Le Roi d'Yvetot, air du chansonnier Pierre-Jean de Béranger (1780-1857) [sur Wikisource].
Sur le même sujet : Proverbes d'Anjou par A. de Soland (1858), Proverbes d'Anjou par A.-J. Verrier et R. Onillon (1908), rimiaux.
Autres documents : Dictons et croyances, Croyances et superstitions, Sorciers, Coutumes, Naissance, Arbre de mai, Mariage, Dictons agricoles, Cris angevins, Moulin à venter, Culture du chou, Proverbes, Chanson sur l'Anjou, Sonnet en angevin.
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