Chanson du jeu de boules de fort

De Wiki-Anjou
Langue et littérature angevine
Document   La Chanson du jeu de boules de fort
Auteur   Anatole-Joseph Verrier
Année d'édition   1908
Éditeur   Germain et G. Grassin (Angers)
Note(s)   Extrait du Glossaire étymologique et historique des parlers et patois de l'Anjou, t.2, p. 377-378


Page 377 du second tome.

A mes copains du Cercle de la Paix (Ponts-de-Cé).


La Chanson du Jeu de boules de fort

Sur l'air : Il était un roi d' Yvetot


I
Muse, aujourd'hui fais un effort.
Il faut chanter la Boule,
La seule, la Boule de fort
Qui, sinueuse, roule.
Soutiens mon souffle un peu trop court
Et du Parnasse à mon secours
Accours.
Refrain
Oh ! oh ! oh ! oh ! Ah ! ah ! ah ! ah !
Le roi des jeux c'est celui-là :
Voilà !
II
La terre roule tout de go,
Phryné roule carosse,
Le rasta roule le gogo
Et le bossu sa bosse.
Le tambour roule, belliqueux.
L'orage roule, furieux.
Aux cieux.
III
Boston, poker, bridge et piquet
Et manille à l'enchère,
Whist, polo, tennis et croquet,
A peine on vous tolère,
Et pour nous, vrais amis de l'art.
Tu nous parais un corbillard,
Billard.
IV
Le sable, fin comme un velours
S'unit sous le « rouable »,
Etendant sur tout le parcours
Un tapis admirable.
Les deux côtés se recourbant
Vont en deux pentes doucement
Montant.
V
En bois dur, cormier, frêne ou buis
Notre boule est ouvrée ;
L'un' de ses faces s'aplatit.
L'autre reste cintrée.
Le cercle d'acier qui reluit.
Est chaque jour au tripoli
Poli.
VI
Lançons, pour nous servir de but.
Le Petit, ou le Maître.
Trop loin, sans doute est un abus.
Trop près est pis peut-être.
« Poussez-le trois mètres de plus,
« On pourrait pisser rasibus
« Dessus ! »
VII
C'est là qu'on connaît le malin !
Faisant sa double charge.
Montant, descendant son chemin,
Par le long, par le large.
Sans heurt, la Boule, et sans cahot.
Du Maître approche son pivot :
Bravo !
VIII
De toutes les combinaisons
Qui vous dirait la liste ?
Pour « charger » on a ses raisons,
Ça dépend de l'artiste.
Se « camper » a bien ses appas ;
Campez-vous, ou n'vous campez pas.
D'un pas.
IX
Celui qui monte descendra,
C'est affair' de jugeote ;
N' jouez pas trop fort, on vous criera
« A Gouis ! à r'voir, bigote ! »
Mais en chemin si vous crevez,
De blagues vous s'rez abreuvés.
Gavés.
X
Tirez en for-haut, en fort-bas
Sans que votre main tremble ;
Et surtout ne mollissez pas,
Les deux pieds joints ensemble.
Tirez surtout bien proprement.
L'Maître ou la boul' qui, l'étouffant,
Défend.
XI
Pour éviter un' boule aussi
Jouez la « charge morte » ;
Quand le coup est bien réussi.
Sur le Maître il vous porte.
Croyez votre oncle, chers neveux
Prenez d'abord par le milieu
Du jeu.
XII
Surtout gardez-vous des erreurs.
Ou bien on vous en . . . goule ;
Soit approcheurs ou bien tireurs
Regardez votre boule.
Car mettre son « fort à l'envers »,
Le plus souvent est un travers
Pervers.
XIII
— Qui donc a fait ce coup fameux !
Voilà qu'égaux nous sommes !
— C'est moi, que j' dis, d'orgueil fumeux
En latin : Ego sum (me). —
Leprince, à joc sur ses ergots.
Dit : J'ai compris, je somm' égaux.
Nigaud !
XIV
Mais ce cri : Douze ! a retenti
La partie est gagnée.
Le vaincu se voit aplati
D'une blague soignée.
Sans doute avant la fin du jour.
Il aura d'un juste retour.
Son tour.
XV
Toujours la bonne humeur chez nous.
Jamais de fronts moroses,
Point de grincheux de « harguégnoux »,
On n'y voit point de poses.
Les propos y sont toujours gais,
Et si l'on blague, on est blagué,
O gué !
XVI
Tâchez de faire un point, surtout.
Et que chacun y veille.
Ou bien il faut, non sans dégoût
« Biger le. . . cul d' la vieille ».
Oui, vous devrez, rageant au fond.
Dévorer, la rougeur au front.
L'affront !
XVII
C'est le moment de boire un coup,
Débouchons les bouteilles ;
Rinçons-nous la dalle du cou
De la liqueur vermeille.
Sonne, joyeux, au bruit d' l'écot ;
Et les gros sous du « Subrécot
Echo !

Je ne puis ici noter la musique, mais les indications suivantes suffiront sans doute. Voici les notes, vers par vers : Six-huit ; si bémol.

Do, do mi, fa fa fa
Do, do mi, fa fa
Do, do mi, fa fa fa
Do, do mi, fa fa
Fa sol la, si ré do si, la
Do si la, sol si la sol, fa
Fa, fa
Fa sol la, si ré do si, la
Do si la, sol si la sol, fa,
Fa, fa.

N. — Les notes en italiques sont des noires ; les autres sont des croches. Les virgules séparent les mesures.

A.-J. Verrier.




La Chanson du jeu de boules de fort, chanson sur la boule de fort. Extrait de l'ouvrage de Anatole-Joseph Verrier et René Onillon, Glossaire étymologique et historique des patois et des parlers de l'Anjou : comprenant le glossaire proprement dit des dialogues, contes, récits et nouvelles en patois, le folklore de la province, Germain & Grassin (Angers), 1908, t. 2e, page 377.

Anatole-Joseph Verrier (1841-1920), professeur, journaliste et écrivain du XIXe-XXe siècle.

Le Roi d'Yvetot, air du chansonnier Pierre-Jean de Béranger (1780-1857) [sur Wikisource].


Sur le même sujet : Proverbes d'Anjou par A. de Soland (1858), Proverbes d'Anjou par A.-J. Verrier et R. Onillon (1908), rimiaux.

Autres documents : Dictons et croyances, Croyances et superstitions, Sorciers, Coutumes, Naissance, Arbre de mai, Mariage, Dictons agricoles, Cris angevins, Moulin à venter, Culture du chou, Proverbes, Chanson sur l'Anjou, Sonnet en angevin.


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