Patois angevin

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Blason de Maine-et-Loire.

L'angevin est un dialecte dont des mots sont encore en usage dans les conversations. Géographiquement situé dans l'ouest de la France, entre la Bretagne, le Maine, la Touraine, le Poitevin et la Vendée, cette région ligérienne possède un patrimoine important, dont sa langue régionale.


Parler angevin

L'angevin fait partie de la famille des langues d'oïl[1],[2],[3],[note 1], branche des langues romanes qui comprend également le gallo, le picard, le poitevin-saintongeais et le wallon notamment[4]. On trouve la langue angevine dans les départements de Maine-et-Loire, de la Mayenne et de la Sarthe (ancienne province d'Anjou).

La Loire a longtemps été une frontière difficilement franchissable, délimitant naturellement les régions angevines mais aussi les parlers. Ce qu'on peut appeler le patois angevin est très divers ; suivant les territoires de l'Anjou il existe une diversité d'expressions et de prononciations. Par exemple le parler des Mauges (français des Mauges) est le plus différent et se rapproche du patois vendéen[5],[6],[4].

L'une des principales caractéristiques du patois angevin est l'utilisation du « e » muet[7]. On retrouve encore aujourd'hui dans les conversations cette utilisation, tout comme certains termes.

Exemples

Le patois angevin est encore très présent sur le territoire. Il n'est pas rare d'y entendre un « tôpette » ou qu'on va être « trempé-guené ». Beaucoup de ces mots proviennent simplement du vieux français[8],[9],[4],[note 2]

Quelques phrases du parler angevin[10],[11] :

  • L'temp s'abernodit va y avoièr ein' r'napée ! Pouille ton fàite, tu vo éte tout guéné. (Le temps se couvre, il va y avoir une averse ! Couvre-toi, tu vas être trempé.)
  • Il me semble ben qu'il va faire beau an'huit, le soleil s'est couché të rouge d'hier ou soir. (Il me semble bien qu'il va faire beau aujourd'hui, le soleil s'est couché tout rouge hier soir.)
  • A n'est côre pas venue. (Elle n'est pas encore venue.)
  • Pou' l'jeu d'boul', tu tourn's adret', pis côr' adret'. (Pour le jeu de boule, tu tournes à droite, puis encore à droite.)
  • Je vais mettre une bouteille d'eau sur la table, sinon il va s'embedoufler. (s'étouffer)
  • La Louis' a' folleill' quand Léon roussine à la société. (La Louise devient folle quand Léon traine au cercle.)
  • Je craillai ti voièr le gâs Mile dans l'milieu d'la carré, c n'es point lui mais le gâs R'né. (Je croyais voir le gars Émile au milieu de la cour, ce n'était que le gars René.)
  • D'où que t'as été t'fourré ? t'es tout guéné, regarde më ça ! va don changer tes hardes avant d'attraper quieque chose. (Où es-tu allé ? T'es tout trempé, regarde ça ! Va te changer avant d'attraper quelque chose.)
  • Bon ! vlà côr ein' panne, astheûre' ? (Bon ! voilà encore une panne, maintenant !)
  • Ça n'était que de la roquille, tout ce que illy avait. (Ça n'était que des débris, tout ce qu'il y avait.)
  • Oh ! mais non, je n'aime pas à me laisser rudanger comme ça. (Oh ! mais non, je n'aime pas me laisser malmener comme ça.)

Article détaillé Plus de détail sur la page Recueil de mots et locutions en angevin.

Écrivains et poètes patoisants

Plusieurs écrivains retracent le contenu et l'évolution de ce parler angevin. Au XIXe siècle, Ch.-L. Livet publie Un sonnet en patois angevin du XVIIe[8] :

« C'est un dangeleu mau que le mau de l'amour !

Je ne l'eusse pas creu estre une ytieulle raige...

Je crai que j'en mourré dès mon apprentissaige,

Car ma fé je n'en dors ne la net ne le jour. (...) »

— Sonnet en patois angevin

L'auteur y esquisse une définition de ce qu'est le patois. En 1867, Arthur Loiseau rédige son Rapports de la langue de Rabelais avec le patois de l'Anjou. Il y indique que les nombreux patois du XVIe siècle, qui se parlaient sur toute l'étendue de la France, font sentir leur influence à notre idiome littéraire[7]. Nombre de textes sont alors diffusés au XIXe par le biais des publications des Sociétés savantes de Maine-et-Loire, sans compter les imprimeurs angevins Lachèse, Belleuvre et Dolbeau (chaussée Saint-Pierre) ou G. Grassin (rue Saint-Laud), ou bien encore plus tard André Bruel (rue Plantagenêt). Parallèlement, Aimé de Soland publie Proverbes et dictons rimés de l'Anjou en 1858 et G. De Launay Dictons et croyances de l'Anjou en 1893, une liste de croyances, coutumes et pratiques suspertitieuses glanées au fil du temps[12]. Henry Cormeau publie en 1922 un essai d'une phonétique du Bas-Anjou en pays des Mauges[6].

Charles Ménière rédige en 1881, en préambule à son glossaire[13], un essai sur le langage angevin où il fait remonter au début du XVIIIe siècle l'origine contemporaine du langage du pays de l'Anjou[14].

Après le glossaire de Ménière[13], René Onillon et Anatole-Joseph Verrier publient en 1908 un glossaire des mots de l'Anjou, avec l'aide de nombreux collaborateurs de différentes régions, dont René de La Perraudière qui publiera en préambule au glossaire Le langage à Lué[15]. Ce dictionnaire dialectal d'une exeptionnelle richesse, en deux tomes, comprend plus de 20 000 mots[4],[10]. Verrier publiera également en 1912 Défense et illustration du patois angevin[9].

Au début du XXe siècle, Marc Leclerc inaugure l'écriture de rimiaux, publiant notamment Rimiaux d'Anjou en 1926. La forme sera ensuite popularisée par plusieurs écrivains et poètes du parler angevin comme Émile Joulain[4] et Yvon Péan.

« Et c'est tout d' meim' pour nout' langage :

pour vous, c'est ein jargoin d' sauvages ;

mais moé, malgré mon air paisan,

j'ons quant' meime été aux écoles,

où qu' j'ons connu des grous savants

— en écrit autant qu'en paroles —

qui disaient qu' nout' parler terrien

c'est ein langag' vraiment ancien,

c' tî là meime, à peu d' différence,

qu'écrivit un app'lé Rabelais

ein gâs qu'on n'a point égalé,

a c' qu'îs disaient, en tout' la France ;

que c'est l' vieux français d'auterfoés,

et qu'î n'a ben ses avantages... »

— M. Leclerc, Rimiaux d'Anjou

La vivacité du parler angevin ne se démentira pas avec le temps. Plusieurs auteurs publieront des ouvrages sur le sujet à la fin du XXe ou au début du XXIe, comme en 1998 Dominique Fournier et son Dictionnaire pour bien bagouler notre patois aujourd'hui, préfacé par Pierre Perret[11], ou en 2017, Paul Graindorge et Bernard Bellanger le Dictionnaire français angevin[16], sans compter quelques manifestations locales comme le festival des coiffes ou en 2021 la 4e édition du spectacle Expressions de Loire[17].


Rimiau en patois angevin, écrit et conté par Fourchafoin.

Notes

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Pour aller plus loin

sur l'encyclopédie Wikipédia

Sur le même sujet

Dictionnaire des mots de l'Anjou
Dictionnaire Français Angevin
Écrivains angevin

Bibliographie

• Charles Ménière, Glossaire angevin étymologique comparé avec différents dialectes, impr. de Lachèse et Dolbeau (Angers), 1880, 374 pages (notice BnF no FRBNF30926292)
• Anatole-Joseph Verrier et René Onillon, Glossaire étymologique et historique des parlers et patois de l'Anjou, Germain et G. Grassin impr.-édit. (Angers), 1908, 528 (t. 1) et 582 (t. 2) pages (notice BnF no FRBNF31565186)
• Augustin Jeanneau et Adolphe Durand (illustrations de Joseph Martineau), Le Parler populaire en Anjou, Éditions du Choletais (Angers), 1977, 197 pages (notice BnF no FRBNF34654612)
• Henri Boré, Glossaire du patois angevin et régional, A.-H. Hérault (Maulévrier), 1988, 153 pages (notice BnF no FRBNF34935796)
• Gérard Cherbonnier (dir.), Mots et expressions des patois angevins : petit dictionnaire, Éd. du Petit pavé (Brissac), coll. Yavard, 1997, 74 pages (ISBN 2-911587-03-0) (notice BnF no FRBNF35863495)
• Dominique Fournier, Mots d'galarne : dictionnaire pour bien bagouler notre patois aujourd'hui, Cheminements (Le Coudray-Macouard), coll. Les gens d'ici, 1998, 299 pages (ISBN 2-909757-65-x) (notice BnF no FRBNF37006113)

Références et annotations

  1. Les langues d'oïl sont des langues latines (romanes) qui se sont développées dans la partie nord de la France. C'est l'ensemble des dialectes romans parlés dans la moitié nord de la France.
  2. Mots, voir Dictionnaire des mots de l'Anjou.
  1. Vincent Adoumié, Christian Daudel, Didier Doix, Jean-Michel Escarras et Catherine Jean, Géographie de la France, Hachette Éducation (Paris), 2019, p. 25
  2. Jean Sibille, France (Arts et culture) : Les langues régionales, Encyclopædia Universalis, 2006-2021
  3. Encyclopédie Larousse, Langue d'oïl, 2016-2017
  4. a b c d et e Jean-Paul Chauveau, Langue, dans Anjou Maine-et-Loire, Christine Botton éditeur (Paris), 2010, p. 169-178
  5. Hervé Abalain, Le français et les langues historiques de la France, Éditions Jean-Paul Gisserot, 2007
  6. a et b Henry Cormeau, L'accent de chez nous : essai d'une phonétique du Bas-Anjou, Éd. Georges Crès & Cie (Paris), 1922
  7. a et b Arthur Loiseau, Rapports de la langue de Rabelais avec les patois de la Touraine et de l'Anjou, dans Mémoires de la Société académique d'Angers, tome XXI, impr. P. Lachèse, Belleuvre et Dolbeau (Angers), 1867
  8. a et b Ch.-L. Livet, Un sonnet en patois angevin (XVIIe siècle), dans Revue de l'Anjou et de Maine et Loire, troisième année, tome deuxième, Libr. de Cosnier et Lachèse (Angers), 1854, p. 125-128
  9. a et b Anatole-Joseph Verrier, Défense et illustration du patois angevin, dans Mémoires de la Société nationale d'agriculture, sciences & arts d'Angers, G. Grassin impr.-éd. (Angers), 1912, p. 290-296
  10. a et b Anatole-Joseph Verrier et René Onillon, Glossaire étymologique et historique des parlers et patois de l'Anjou, t. I et II, Germain & Grassin (Angers), 1908
  11. a et b Dominique Fournier, Mots d'Galarne : Dictionnaire pour bien bagouler notre patois aujourd'hui, Cheminements (Le Coudray-Macouard), 1998
  12. G. De Launay, Traditions et superstitions de l'Anjou : Dictons et croyances, dans Revue des traditions populaires (Paris), 8e année, tome VIII, n° 2, février 1893, p. 93-95
  13. a et b Charles Ménière, Glossaire angevin étymologique comparé avec différents dialectes, dans Mémoire de la Société académique de Maine-et-Loire, tome XXXVI, impr. Lachèse et Dolbeau (Angers), 1881
  14. Charles Ménière, Essai sur le langage angevin, dans Mémoires de la Société académique d'Angers, tome XXXVI, impr. Lachèse et Dolbeau (Angers), p. 193-199
  15. René de La Perraudière, Le langage à Lué (Recherches historiques et statistiques sur la commune de Lué, Maine-et-Loire), dans Mémoires de la Société d'agriculture, sciences et arts d'Angers, cinquième série, t. VII, Germain et G. Grassin imr.-libr. (Angers), 1904, p. 132-154
  16. Paul Graindorge et Bernard Bellanger, Dictionnaire français angevin, Association des amis du folklore et des parlers d'Anjou (Angers), 2017
  17. Le Courrier de l'Ouest, Près d'Angers. Chanson française et patois angevin samedi 23 octobre aux Ponts-de-Cé, 22 octobre 2021